Le Siège est toujours vacant

Réplique à John Salza

par Gregorius

(avec l’autorisation de l’auteur)

PARTIE 2

Cette seconde partie de notre réponse aux critiques que John Salza, avocat de Milwaukee, adresse au sédévacantisme portera sur le deuxième article du susnommé, qui a pour titre « Le Sédévacantisme et le Péché de Présomption » (Sedevacantism and the Sin of Presumption), publié en avril 2011 dans Catholic Family News. L’article en question peut être consulté en ligne sur le site Internet de Salza : http://www.scripturecatholic.com/feature-articles/CFN%20-%20Sedevacantism%20and%20the%20Sin20of%20Presumption.pdf

Lorsqu’on évalue l’ensemble de cet article, il n’est nullement exagéré de dire que ce travail est extrêmement négligé et dénote l’insuffisance de culture inadmissible de son auteur ; disons-le tout net : on est là en présence d’un véritable désastre canonique et théologique. Bien que l’auteur ait réussi à écrire cette fois six notes en bas de page, ce qui constitue indéniablement un mieux par rapport à son premier article (lequel n’en comportait aucune), il eût été bon que les références qu’on y trouve apportassent vraiment de l’eau à son moulin ; or, tel n’est pas le cas. Qui plus est, l’article tout entier donne l’impression d’avoir été rédigé à la hâte, peut-être pour tenir compte d’un délai d’impression, presque comme s’il s’agissait d’un brouillon plus que d’un produit fini.

On pourrait attendre cela d’un étudiant de deuxième année essayant de « torcher » une dissertation alors qu’il n’en a aucune envie, mais non du titulaire d’un doctorat de droit qui se présente comme un apologiste compétent en droit ecclésiastique et en théologie. Certains voient dans ses écrits une réfutation absolue de la position sédévacantiste, alors qu’il en ressort en fait une surprenante tentative pseudo-académique de présenter l’apostasie de l’église Conciliaire comme quelque chose de « non démontré » ou « non démontrable ». En termes clairs, lorsque quelqu’un qui prétend être le Pape invite des adorateurs du démon à prier pour la « paix » et facilite leurs rituels sataniques en mettant pour cela des locaux à leur disposition dans un monastère catholique romain, des questions méprisantes telles que « Comment savez-vous qu’il est pertinace ? » et des excuses aussi ridicules que « Peut-être n’a-t-il pas compris de quoi il retournait » sont tout bonnement déplacées. (Mais peut-être son-elles compréhensibles venant d’un avocat de la défense.)

Un pot-pourri d’erreurs renversantes

Il n’y a là aucune exagération rhétorique. En fait, l’article présente comme premier défaut grave son titre même, qui accuse les sédévacantistes de présomption. Mais nous laisserons pour plus tard les détails croustillants relatifs à cette question. Commençons par examiner le premier paragraphe :

            1. Quel est le péché le plus grave ?

Essayant de donner l’impression qu’il sait de quoi il parle, John Salza écrit avec assurance :

« L’Église a toujours enseigné que les péchés contre la foi (apostasie, hérésie, schisme) sont les pires de tous les péchés. Cela tient à ce qu’il [sic] est un péché contre la vérité divine commis par quelqu’un qui a reçu la lumière de la vérité et l’a rejetée ensuite. C’est le fait d’un baptisé qui a volontairement et publiquement apostasié la Foi (comme Martin Luther). Il s’agit donc d’un péché encore pire que le paganisme. Par conséquent, il expose au pire de tous les châtiments : être coupé du Corps du Christ et mis sur la voie de la damnation éternelle. »

(John Salza, « Le sédévacantisme et le péché de présomption », p. 1)

Très impressionnant, n’est-ce pas ? Le seul ennui est que ce n’est pas vrai. Salza n’a tout simplement fait aucune recherche à ce sujet. Bien que  l’apostasie, l’hérésie et le schisme soient des péchés terriblement graves s’ils sont publics et qu’ils séparent de l’Église ceux qui les commettent, ils ne sont pas les pires de tous les péchés. Le pire de tous les péchés est la haine de Dieu (qui – soit dit en passant – ne fait pas perdre la qualité de membre de l’Église, à moins qu’elle ne s’accompagne d’une apostasie, d’une hérésie ou d’un schisme). Saint Thomas d’Aquin, le Docteur universel de l’Église, auquel Salza se réfère à deux reprises dans son article, quoique sur d’autres points, enseigne ceci :

« Le meilleur est opposé au pire, selon le philosophe [Aristote] (Éthique, viii, 10). Mais la haine de Dieu est contraire à l’amour de Dieu, en lequel consiste le meilleur de l’homme. C’est pourquoi la haine de Dieu est le pire péché de l’homme. »

(Saint Thomas d’Aquin, Summa Theologica, II-II, q. 34, art. 2 ;)

Répondant spécifiquement à l’objection selon laquelle l’incroyance (c’est-à-dire l’infidélité, l’hérésie ou l’apostasie) semble être un péché plus grand que la haine de Dieu, le Docteur angélique écrit ce qui suit :

« Même l’incroyance n’est pas peccamineuse, à moins qu’elle ne soit volontaire ; d’où il découle que plus elle est volontaire, plus elle est peccamineuse. Or, elle devient volontaire lorsque quelqu’un hait la vérité qui lui est proposée. D’où il découle naturellement que l’incroyance tire son caractère peccamineux de la haine de Dieu, Dont la vérité est l’objet de la foi ; et par conséquent, de même que la cause est plus grande que son effet, la haine de Dieu est un péché plus grand que l’incroyance. »

(Saint Thomas d’Aquin, Summa Theologica, II-II, q. 34, art. 2, ad 2)

Salza ne pouvait donc partir d’une prémisse plus erronée. Ce qui est le pire de tous les péchés, c’est la haine de Dieu, non un quelconque péché d’incroyance ou de schisme, quelle qu’en soit la gravité. Par conséquent, il se trompe du tout au tout lorsqu’il écrit « [l’]Église a toujours enseigné…», car il n’appuie évidemment son assertion sur aucune autorité, ce qui n’a rien de surprenant, puisque cette assertion est fausse.

            2. Péché et appartenance à l’Église

L’erreur suivante commise par Salza au premier paragraphe consiste à faire de la séparation d’avec l’Église un châtiment pour (ce qu’il prétend être) le pire de tous les péchés : « Par conséquent, cela aboutit au pire de tous les châtiments : être séparé du Corps du Christ et placé sur la voie de la damnation éternelle. » Là encore, il se trompe. Si l’apostasie publique, l’hérésie et le schisme ont pour conséquence la perte d’appartenance à l’Église, ce n’est pas tant à cause de leur gravité (toute réelle qu’elle est) que parce qu’ils sont en eux-mêmes incompatibles avec l’appartenance à l’Église. En d’autres termes, c’est la nature de ces péchés – et non leur gravité – qui entraîne la perte d’appartenance à l’Église. Un théologien dogmatique, Mgr Gerardus Van Noort, l’explique ainsi :

« Ce qui sépare quelqu’un de l’Église, ce n’est pas la gravité du péché d’hérésie, c’est la nature antisociale de ce péché, laquelle milite contre l’unité du Corps Mystique :

« … L’hérésie n’est pas le plus grand de tous les péchés mortels : la haine de Dieu est plus grand […] Les hérétiques publics sont exclus [de l’appartenance à l’Église] non à cause de la gravité de leur faute […] Leur exclusion tient à la nature de l’Église en tant que société exigeant une unité dans la profession de la même foi [citation de Ludovicus Lercher, Institutiones Theologiae Dogmaticae, Vol. I, p. 239, e].

(Mgr G. Van Noort, Dogmatic Theology, Vol. 2 : Christ’s Church [Westminster, MD : The Newman Press, 1957], p. 243)

C’est exactement là ce que le Pape Pie XII enseigne par son encyclique Mystici Corporis, comme on l’a déjà vu dans la première partie de cette réfutation : « Car toute faute, même un péché grave, n’a pas de soi pour résultat – comme le schisme, l’hérésie ou l’apostasie – de séparer l’homme du Corps de l’Église » (Pape Pie XII, encyclique Mystici Corporis, 29 juin 1943, par. 23 ;

http://www.vatican.va/holy_father/pius_xii/encyclicals/documents/hf_p-xii_enc_29061943_mystici-corporis-christi_fr.html). Salza aurait sans doute mieux fait de réviser sa théologie dogmatique fondamentale avant de se hasarder pompeusement à accuser les sédévacantistes de commettre des « erreurs » théologiques. 

En résumé, la perte d’appartenance à l’Église due à l’apostasie, à l’hérésie ou au schisme n’est pas en soi un châtiment pour ces péchés ; elle résulte de l’incompatibilité foncière de ce type de péché avec ladite appartenance. De même qu’il est impossible à un triangle d’avoir quatre côtés, il est absolument impossible à quiconque ne professe pas la vraie Foi d’être membre de l’Église qui, en tant que société unifiée, professe cette vraie Foi.

Par conséquent, dès le tout premier paragraphe, John Salza échoue complètement à exposer la vérité catholique. Tout ce qu’il a démontré jusqu’à présent, c’est qu’il n’est guère versé en théologie catholique et qu’il n’a donc nullement vocation à « réfuter » quoi que ce soit. (Peut-être son article dénote-t-il, tout bien considéré, une certaine « présomption » de sa part à lui…)

            3. Publicité, opiniâtreté et notoriété dans l’hérésie

Mais ce n’était là qu’un début, car au deuxième paragraphe, Salza écrit ceci :

« En vertu du Code de droit canonique de 1917, pour qu’il y ait culpabilité d’hérésie formelle, l’Église requiert que ladite hérésie soit « publique et notoire » selon le canon 2197.3 (ce qui désigne les actes hérétiques bien connus d’elle) ou « opiniâtre » selon le canon 1325.2 (ce qui signifie que l’hérétique s’obstine dans son erreur après qu’on la lui a signalée). Au fil des années, les théologiens de l’Église ont défini le haut degré de crédibilité de la preuve requise pour établir le caractère « notoire » d’une hérésie, notamment en ce qui concerne quelqu’un qui a été dûment élu au trône papal. »

(Salza, « Présomption », p. 1)

Le voilà donc en train de réduire une nouvelle fois la question de l’hérésie à celle du droit ecclésial. Dans la première partie de notre réfutation, nous avons longuement évoqué cette question, le fait que l’auteur n’établit pas la distinction qui s’impose entre l’hérésie comme crime contre le droit ecclésiastique et l’hérésie comme péché contre Dieu, ainsi que la manière dont une partie de l’argumentaire sédévacantiste repose sur le péché d’hérésie, non sur l’hérésie en tant que péché canonique. Point n’est donc besoin de réitérer ces propos ici.

Il est cependant permis de formuler certains commentaires sur le caractère public, la notoriété ainsi que la pertinacité de l’hérésie et de l’apostasie des « Papes » conciliaires. Le caractère public de leur apostasie de la Foi est manifesté par le fait que nous parlons d’elle, justement, car si elle était cachée pour n’être vue de personne, nous n’aurions pas cette controverse. Il n’y a pas d’hérésie ou d’apostasie « secrète », et là réside d’ailleurs précisément une partie du problème, car le fait est notoire et a affecté plus d’un milliard d’âmes.

La pertinacité, mot qui signifie en l’espèce « résistance consciente et intentionnelle à l’autorité de Dieu et de l’Église » (Rév. T. Lincoln Bouscaren et Rév. Adam C. Ellis, Canon Law: A Text and Commentary, 3ième éd. [Milwaukee, WI: The Bruce Publishing Company, 1957], p. 725), apparaît clairement dans le fait qu’au départ, tous les individus en question ont dû prêter le serment antimoderniste et (ou) étaient suffisamment au courant des enseignements de l’Église contre le modernisme et le libéralisme. Joseph Ratzinger, en particulier – censé avoir été le « chien de garde de l’orthodoxie » à Rome pendant près de vingt-cinq ans – est bien le dernier homme sur terre qui puisse plaider l’ignorance quant aux enseignements de l’Église, car c’était son rôle de connaître le catholicisme à fond. (Nous traiterons plus tard des arguments de Salza en la matière.)

Il importe de souligner que, comme le montre en toute clarté la définition de Bouscaren et Ellis, tout ce qu’il faut pour établir la pertinacité d’un individu est que celui-ci nie un dogme ou en doute volontairement, c’est-à-dire s’accroche à son hérésie alors même qu’il sait que l’Église catholique enseigne canoniquement autre chose ; il n’est pas nécessaire, pour cela, que l’intéressé soit admonesté par un supérieur ou reçoive un avertissement canonique. Le chanoine E. J. Mahoney l’explique ainsi :

« Nous avons soutenu le point de vue selon lequel la faute ou la culpabilité, ou, en d’autres termes, la bonne ou la mauvaise foi, n’entre pas dans la définition de l’hérésie, car l’adverbe latin pertinaciter n’exprime pas forcément cette notion : il ne représente qu’un moyen commode et succinct de dire que quelqu’un connaît la doctrine enseignée par l’Église catholique, mais ne l’approuve pas. »

(Chanoine E. J. Mahoney, Priests’ Problems, éd. par le Rév. L. L. McReavy [New York, NY: Benziger Brothers, Inc., 1958], p. 440)

Enfin, la notoriété, qui exprime non seulement le caractère public du délit, mais aussi la culpabilité de l’intéressé, découle très logiquement de ce qui précède, dans la mesure où il est clair qu’une fois que l’on sait (qu’il est « public ») qu’une hérésie a été commise par quelqu’un connaissant manifestement la Foi en long et en large, en particulier du fait des fonctions que cet individu est réputé exercer, il est tout aussi certain que la culpabilité de cet individu est réelle, car elle est inexcusable (c’est pourquoi, selon saint Robert Bellarmin, on a pu légitimement penser que le Pape Libère avait perdu son office), et les « contre-exemples » risibles que Salza donne ensuite à cet égard ne font que le souligner avec plus de force encore.

Mais Salza commence par recycler l’ancienne citation – souvent faite à contresens – de saint Robert Bellarmin concernant la légitimité d’une résistance à un Pape qui « essaye de détruire l’Église ». Cette fois, pourtant, l’argument est présenté sous un jour nouveau, puisque Salza écrit ceci :

« … même si un Pape « essaye de détruire l’Église », la notoriété n’en est pas présumée, mais le Pape est reconnu comme occupant validement son poste […] Saint Robert reconnaît qu’un vrai Pape peut attaquer volontairement le Corps Mystique, nuire aux âmes et même tenter de détruire l’Église sans que l’on puisse présumer qu’il est un hérétique public ayant déchu de son poste. »

(Salza, « Présomption », p. 1 ; soulignement de l’auteur.)

Il est facile de répondre à cet argument : attaquer le Corps Mystique, nuire aux âmes ou essayer de détruire l’Église, ce n’est pas en soi un signe de dépravation hérétique, car on peut le faire par haine et non pas incroyance. Ces péchés sont assurément très graves, mais non pas incompatibles par nature avec l’appartenance à l’Église comme le sont l’apostasie, l’hérésie et le schisme.

Si M. Salza voulait donner l’impression d’exposer et de suivre fidèlement les enseignements de saint Robert Bellarmin, pourquoi n’a-t-il pas extrait du même ouvrage la citation que voici :

« Puis, deux ans après, [le Pape] Libère devint lapse, ce dont nous avons parlé ci-avant.  Alors, en effet, les membres du clergé romain, dépouillant Libère de sa dignité pontificale, se tournèrent vers Félix, qu’ils savaient [à ce moment-là] être un catholique. Félix devint donc le vrai Pape. Car bien que Libère ne fût pas un hérétique, on le considérait néanmoins comme tel à cause de la paix qu’il avait conclue avec les ariens, et du fait de cette présomption [Aïe ! – Gregorius], le pontificat put légitimement lui être retiré, car nul n’est tenu ni capable de lire dans les cœurs, et lorsqu’on voit – aux œuvres extérieures d’un homme – qu’il est un hérétique, on le juge et le condamne comme tel, purement et simplement. »

(Saint Robert Bellarmin, De Romano Pontifice, lib. IV, c. 9, n° 15)

Cela est tout à fait conforme au simple bon sens. Les gens se comportent d’ordinaire selon leurs croyances, et ce qu’ils ont en tête se manifeste extérieurement par leurs actes. Sauf preuve du contraire, ils sont présumés n’avoir aucune circonstance atténuante.

« Comme des faits subjectifs ou relevant du for interne ne sont pas démontrables à l’aide d’arguments simplement externes, on ne peut les établir que par le biais de présomptions et de conjectures. La présomption, de plus, est en accord avec l’expérience commune. En général, on part de l’idée que lorsque quelqu’un accomplit une action, il est en possession de ses facultés, c’est-à-dire qu’il sait ce qu’il fait et qu’il a conscience de ce que sa conduite implique ordinairement sur les plans matériel et moral. »

(Rév. Innocent Robert Swoboda, Ignorance in Relation to the Imputability of Delicts [Washington, D.C.: The Catholic University of America Press, 1941], p. 180)

Ainsi, par exemple, si quelqu’un est sorti d’un magasin en emportant plusieurs articles qu’il n’a pas payés, on est fondé à présumer que cet individu a volontairement commis un vol. Le parquet n’a qu’à prouver que le suspect est entré dans un magasin et en est ressorti avec les articles en question sans les avoir payés. C’est là tout le fardeau de la preuve qui lui incombe. Il est dispensé de démontrer que le suspect n’était pas en état de somnambulisme, n’était pas sous l’emprise d’un médicament altérant ses facultés, n’était pas sous hypnose, etc., toutes choses qu’il serait absurde d’exiger de lui ; en fait, nul ne serait convaincu de rien dans une telle hypothèse. Si la défense tient à soutenir qu’en dépit des évidences, l’individu en question a commis ce vol sans culpabilité de sa part, c’est son affaire, mais c’est alors à elle qu’il incombera de démontrer l’existence de circonstances absolvant le suspect de toute culpabilité (par exemple, si elle peut apporter un témoignage clinique que le suspect est affligé de la maladie d’Alzheimer et qu’il lui arrive de ne pas savoir ce qu’il fait). Mais c’est de preuves, non de simples assertions, que nous parlons ici.

            4. Péché de saint Pierre dans l’épître aux Galates (2 :11)

Ensuite, Salza se réfère aux enseignements de saint Thomas sur la correction fraternelle et la manière dont même des subalternes ont le droit (voire l’obligation) de corriger leurs supérieurs dans certains cas. Il mentionne l’épître aux Galates (2 :11), dans laquelle saint Paul reprend saint Pierre en public « en raison d’un danger imminent de scandale en matière de foi » (saint Thomas d’Aquin, Summa Theologica, II-II, q. 33, a. 4, ad 2). On voit mal quel rapport cela pourrait avoir avec ce dont nous discutons ici, mais Salza soutient mordicus que c’est là une preuve qu’« il est non seulement licite, mais même nécessaire de s’opposer à un Pape qui met la Foi en danger, sans le traiter pour autant d’hérétique formel » (Salza, « Présomption », p. 1 ; c’est nous qui soulignons).

Pour répondre à cela, il nous suffit de regarder ce que saint Pierre avait fait pour s’attirer les remontrances de saint Paul. Qu’avait-il donc fait au juste ? Avait-il – comme Jean-Paul II – dit aux Juifs qui le persécutaient que leur pacte avec Dieu était toujours valide ? Avait-il – comme Jean-Paul II et Benoît XVI à Assise – encouragé les païens à offrir des sacrifices à leurs idoles pour obtenir une vraie paix, légitimant ainsi leurs fausses religions ?

Non, pas exactement. La Bible de Douais-Reims[1] – dont on doit la révision de la traduction anglaise à l’évêque catholique anglais Richard Challoner (1691-1781) – donne de ce passage l’interprétation suivante :

« La faute dénoncée ici dans la conduite de saint Pierre n’était qu’une certaine imprudence, celle qu’il avait commise en se retirant de la table des Gentils de crainte d’offenser les convertis juifs ; dans de telles circonstances, cela risquait en effet d’exercer une influence négative sur les Gentils en les amenant à se croire obligés d’adopter le mode de vie juif au détriment de leur liberté chrétienne. »

(Note de Challoner sur Galates 2: 11 ; voir http://www.drbo.org/chapter/55002.htm)

Ce que John Salza cherche à ériger en délit matériel d’hérésie (grâce à quoi il pourrait alors prétendre : « mais vous voyez bien que la notoriété ou la pertinacité n’étaient pas présumées ! »), c’est seulement une « certaine imprudence » dans la conduite de saint Pierre. Ce n’est pas autre chose. Nous en voulons pour preuve le commentaire du célèbre abbé George Haydock[2] : « … on se range d’ordinaire à l’avis de saint Augustin selon lequel saint Pierre s’est rendu coupable [seulement] d’une faute vénielle d’imprudence » (Note de Haydock sur Galates 2: 11 ; http://haydock_1859.tripod.com/id194.html). Saint Pierre a craint tout bonnement d’offenser les convertis juifs en mangeant avec les Gentils : il a donc quitté la compagnie des convertis gentils lorsque les Juifs sont arrivés. Mais comme cette conduite risquait de donner la fausse impression que les chrétiens étaient toujours liés par la loi ancienne, il fut imprudent de sa part d’agir ainsi, bien qu’il eût sans doute simplement cherché à éviter ce qu’on appelle le « scandale des faibles », de sorte que son erreur partait d’une bonne intention. Quoi qu’il en soit, saint Pierre accepta humblement la remontrance de saint Paul, et ce fut la fin de l’affaire.

Il n’y a donc rien là – on le voit bien – qui soit de nature à accréditer la thèse de Salza. En effet, quoique une action neutre en elle-même puisse – a cause de circonstances particulières – mettre « accidentellement » la Foi en danger, comme la conduite de saint Pierre mentionnée ci-dessus (tout bien considéré, manger séparément avec des convertis juifs n’était pas mauvais en soi, mais ne devenait imprudent qu’à cause de circonstances particulières), cela n’est en rien comparable aux actions qui constituent directement et en elles-mêmes des péchés contre la Foi, comme le fait de se joindre à des Juifs apostats pour chanter une hymne incitant à l’attente du Messie, celui d’approuver les religions des païens (telles que le jaïnisme, le culte vaudou, l’hindouisme, etc.) ou celui de dire – comme Jean-Paul II et Benoît XVI – que la primauté papale définie par le premier Concile du Vatican est peut-être erronée.

John Salza se raccroche tout bonnement à des chimères. Il est à la recherche désespérée d’un argument quelconque pour faire croire que le sédévacantisme est vicié, car s’il avait à sa dispositon des arguments vraiment convaincants, on peut penser qu’il ne se gênerait pas pour les brandir. Or, au lieu de cela, il recourt à des citations sorties de leur contexte et usées jusqu’à la corde, qu’il tente de refourbir pour leur rendre quelque efficacité, espérant peut-être que le lecteur se laissera impressionner par tout le verbiage canonico-théologique compliqué dont il use abondamment.

            5. Présomption présumée ? 

Mais ensuite, les choses deviennent bien pires encore. Les erreurs les plus gênantes de Salza se trouvent dans son sixième paragraphe, où, poursuivant sur le même ton de pédanterie et sans sourciller le moins du monde, notre avocat du Wisconsin proclame ceci :

« Contrairement à la thèse sédévacantiste, les plus grands théologiens de l’Église ne présument pas qu’une hérésie alléguée est “notoire” ou “pertinace”, car il y aurait là un péché de présomption. [Note en bas de page : voir, par exemple, Summa Theologica, II-II, Q 21, Art 1-2.] »

(Salza, « Présomption », p. 2 ; note en bas de page portant le numéro 4 dans le texte original ; soulignement de l’auteur.)

Comme le sait quiconque possède ne serait-ce qu’un minimum d’instruction religieuse dans le catholicisme romain, le « péché de présomption » consiste à présumer non pas de l’existence d’une notoriété ou d’une pertinacité en matière d’hérésie, mais de son propre salut en l’absence de véritable repentir. Une simple citation du Catéchisme de Baltimore suffit à la démontrer : « La présomption est le fait de s’attendre inconsidérément à être sauvé sans user des moyens nécessaires à cette fin » (Rév. Thomas Kinkead, An Explanation of the Baltimore Catechism of Christian Doctrine, Réponse à la Q. 328 [Rockford, IL : TAN Books and Publishers, Inc., 1988], p. 270). Rien n’est confus ni ne prête à controverse sur ce point.

Cela étant, quelle explication trouver à l’attitude de John Salza ? Comment peut-il affirmer quelque chose d’aussi stupide, d’aussi ridicule ? Son allusion à la Summa Theologica de saint Thomas, bien qu’elle puisse donner l’apparence que son argumentation s’appuie sur une haute autorité catholique, ne fait que l’enfoncer un peu plus encore, car dans le passage qu’il cite sur le péché de présomption, le Docteur angélique ne dit absolument pas que ce péché ait à voir quoi que ce soit avec la présomption qu’existe une pertinacité ou une notoriété en matière d’hérésie ! Au contraire, saint Thomas traite le péché de présomption exactement comme le définit la théologie catholique, à savoir comme le fait de s’attendre inconsidérément à être sauvé sans s’y être préparé ainsi qu’il convient.

Concernant ce que dit saint Thomas du péché de présomption, on pourra consulter le site suivant :

http://custodi.perso.neuf.fr/esprit.htm

Il n’y a rien là qui puisse soutenir le moins du monde l’argument de Salza ! (Il faudrait vraiment que quelqu’un lui conseille de lire ce qu’il cite… À moins qu’il ne l’ait fait et que ce ne soit justement pour cette raison qu’il a choisi de ne pas citer saint Thomas, mais de se borner à s’y référer ?)

Cette erreur de sa part n’est pas seulement d’une énormité confinant au plus haut comique, elle est carrément bizarre. C’est une chose de formuler un argument débile dicté par l’orgueil, la confusion ou l’ignorance ; c’en est une autre de citer ensuite une autorité catholique à l’appui de cet argument alors que le texte invoqué pour preuve traite d’une tout autre question et que l’on ne fait que trahir ainsi sa complète ignorance de ce dont on parle !

Que s’est-il donc passé en l’espèce ? John Salza est-il le plus grand imbécile à avoir jamais pris la plume, ou bien un avocat marron cherchant à tromper ses lecteurs ? Honnêtement, aucun des deux termes de cette alternative n’est plausible. M. Salza est à l’évidence un homme d’une extrême intelligence ; en outre, il devait bien savoir que s’il incluait une fausse citation dans son article, quelqu’un s’en aviserait tôt ou tard, surtout à l’ère de l’Internet, où la plupart des gens peuvent accéder en quelques secondes à une masse impressionnante d’informations.

Alors, que conclure de tout cela ? Nous en laissons le soin aux lecteurs de la présente réfutation. Peut-être Salza aura-t-il à cœur de s’expliquer publiquement de cette bourde sur son site Internet ? Ce ne serait vraiment pas du luxe. Quant à l’ensemble de sa « réfutation » de l’argumentaire sédévacantiste, cette dernière gaffe devrait lui donner le coup de grâce.

            6. Doute raisonnable contre doute déraisonnable

Poursuivons cependant l’examen de l’article de notre avocat du Wisconsin :

« Conformément aux principes de justice et de procès équitable, l’hérésie doit être démontrée au-delà du moindre doute raisonnable. Cela vaut particulièrement lorsqu’il est question de la perte potentielle d’un poste, car comme l’écrit en substance saint Alphonse de Liguori, le doute doit bénéficier au titulaire du poste[3]. Autrement dit, lorsqu’il existe un doute sur le point de savoir qui est le légitime possesseur d’un bien ou d’un droit, la loi favorise la personne qui est effectivement en possession de ce bien ou de ce droit. Par conséquent, un pape doit être considéré comme le pape légitime jusqu’à ce que l’on puisse démontrer au-delà du moindre doute raisonnable qu’il est un hérétique formel. »

(Salza, « Présomption », p. 2)

On ne saurait trouver là matière à discussion. Bien entendu, il doit être prouvé, c’est-à-dire évident que la personne en question n’a pas la Foi catholique alors même qu’elle sait cette dernière valable. On ne peut parler de doute dans ce contexte, car il est tout à fait certain que Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI n’ont pas professé la Foi catholique romaine de tous les temps. (Le cas de Jean XXIII est un peu plus compliqué, mais il apparaît, lui aussi, en toute clarté au prix d’un examen attentif. Quant à celui de Jean-Paul 1er, il n’entre pas en ligne de compte, car l’intéressé n’a « régné » que trente-trois jours.)

Le présent article n’a pas pour objet de revenir une fois encore sur les nombreuses preuves du fait que ces hommes n’avaient pas la Foi catholique romaine (alors que – rappelons-le incidemment – ils ont tous prêté le serment antimoderniste). Il suffira ici de rappeler deux points d’une extrême importance : 1. le meilleur moyen de démontrer et de résumer l’apostasie publique et manifestement pertinace de la Foi catholique est peut-être d’étudier en détail ce qui s’est passé lors des « prières multireligieuses pour la paix » qui ont eu lieu à l’occasion des rencontres d’Assise de 1986, 2002 et 2011, événements qui furent le fruit de l’étrange théologie nouvelle de Vatican II et du magistère conciliaire tout entier, incarné successivement dans les personnes de Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI ; 2. on ne doit pas perdre de vue que s’il est possible de prouver le bien-fondé du sédévacantisme en démontrant que les faux « Papes » d’après 1958 n’étaient pas des catholiques romains, ce n’est pas là – selon l’auteur de ces lignes – le seul moyen de le faire, pas plus que le meilleur ou le plus efficace (un autre moyen, plus efficace, est de démontrer que l’église Conciliaire ne peut être l’Église catholique romaine, donc que ses chefs ne sont pas de vrais Papes et que sa hiérarchie n’est pas légitime, toutes choses démontrées par ailleurs ; nous y reviendrons vers la fin de la présente réfutation).

Nous ne traitons donc pas ici d’une situation « douteuse », comme si l’Église catholique ne traversait qu’une « petite crise », comme si le Pape avait simplement fait une déclaration ambiguë à un moment ou à un autre, comme si nous ne savions pas ce qu’il a voulu dire. Si tel était le cas, nous aurions évidemment grand tort de présumer que le Pape est un hérétique. Mais ce n’est pas du tout ce qui se passe à l’heure actuelle, et il est vraiment sidérant de voir des gens de type « on-reconnaît-mais-on-résiste » se maintenir dans une telle naïveté.

Non, décidément, on assiste bel et bien à une véritable apostasie, imposée à tous depuis le sommet de l’Église conciliaire, et cette apostasie complète de la Foi se manifeste amplement jour après jour, surtout depuis 1965, et plus particulièrement lors des abominables rencontres de prière interreligieuses d’Assise, en Italie. Le livre désormais épuisé « No Crisis in the Church? »[4], publié par Simon Galloway (qui n’est pas un sédévacantiste), juxtapose avec une grande force les déclarations magistérielles de l’Église catholiques et celles de l’Église conciliaire, afin de montrer que cette étrange nouvelle église impose une rupture évidente, une discontinuité évidente par rapport aux vérités éternelles du catholicisme. (Au moment où nous écrivons ces lignes, des exemplaires de cet ouvrage restent disponibles auprès du Mary Immaculate Queen Center de Spokane [État de Washington], sur le site Internet http://www.miqcenter.com/books/0-problems.shtml ou au 509-467-1077). Ne vous laissez pas leurrer par l’« herméneutique de la continuité », cet absolu non-sens qu’une partie des autorités conciliaires cherche à vous faire avaler actuellement !

            7. « Peut-être qu’ils ne voulaient pas dire ça »

Salza selon prétend donc qu’en cas de doute, le bénéfice doit en être laissé à celui qui est réputé être le possesseur actuel de l’office papal. Son argument n’a pas à nous préoccuper davantage, puisqu’il ne peut s’appliquer dans la mesure où l’on ne saurait entretenir aucun doute raisonnable en la matière ; néanmoins, nous allons examiner la manière dont l’auteur de l’article développe cet argument, ne serait-ce que parce qu’elle relève de l’hystérie pure et simple :

« Contre la présomption d’hérésie, le droit canonique (2199ff) prévoit sept moyens de défense, parmi lesquels « l’ignorance non coupable habituelle » et l’« inadvertance ou erreur effective non coupable ». Étant donné leur désir manifeste de plaire au monde, il est possible que l’on puisse parler à propos des papes conciliaires d’ignorance non coupable habituelle ou d’inadvertance ou erreur effective non coupable quant aux dommages qu’ils ont causés à l’Église par des actions qu’ils lui croyaient profitables. »

(Salza, « Présomption », p. 2)

Selon son habitude, Salza met tout à l’envers. En fait, l’Église, s’agissant de son ordre extérieur, présume l’existence d’une mauvaise volonté de la part de celui qui viole la loi par une hérésie publique. Les « moyens de défense » auxquels se réfère Salza ne sont pas là pour prémunir « contre la présomption d’hérésie », mais offrent la seule manière de faire tomber la présomption de l’Église quant à une mauvaise volonté (« dolus ») de la part de l’intéressé :

« [S]’il est avéré qu’il a eu violation d’une loi, l’intention du dolus est présumée jusqu’à preuve du contraire. C’est donc au coupable d’apporter la preuve de son ignorance. »

(R.P. Charles Augustine, A Commentary on the New Code of Canon Law, vol. VIII, [St. Louis, MO: B. Herder Book Co., 1922], p. 23; soulignement de l’auteur.)

Tiens, tiens ! Petit détail en passant : c’est le coupable qui doit apporter la preuve de son ignorance… Est-ce bien là ce que John Salza nous a dit ?

Dans son commentaire, le R.P. Charles Augustine examine longuement ces moyens de défense (vol. VIII, pp. 22-54). Point n’est besoin de les traiter tous dans le présent essai, car ledit commentaire est accessible sur Google Books à l’adresse suivante : http://books.google.com. (Les lecteurs intéressés voudront peut-être le transférer à John Salza…)

En ce qui concerne les moyens de défense qu’essaie de placer Salza – l’« ignorance non coupable habituelle » et l’« inadvertance ou erreur effective non coupable » –, ni l’un ni l’autre n’est applicable aux faux « Papes » d’après 1958, car l’ignorance habituelle en matière de Foi et d’hérésie, même si elle était possible en l’espèce, serait à coup sûr coupable, et l’on ne saurait mettre sur le compte d’une certaine inadvertance non coupable la destruction systématique  du catholicisme et de la civilisation chrétienne par ces hommes. (L’excuse d’une inadvertance non coupable consisterait à dire, par exemple, “Oh, pardon ! Je n’avais pas l’intention de marcher sur votre chasuble ; je n’ai pas remarqué qu’elle traînait sur le sol, car la lumière est très faible.” Il y a loin entre cette véritable inadvertance et le fait de démolir un à un les bastions de la Foi en injectant systématiquement du modernisme dans tous les coins de l’Église.)

Salza poursuit sa faible argumentation :

« C’est sûrement possible, sinon probable, ce qui signifie que leurs déclarations et actions ne sont pas constitutives en elles-mêmes d’une hérésie formelle. Ces moyens de défense opposables à l’imputabilité morale sont des notions de justice. »

(Salza, « Présomption », p. 2)

Ce genre de pirouette est typique d’un avocat. Il compte nous persuader – et non pas forcément nous convaincre – du bien-fondé de sa position non pas en s’appuyant sur l’évidence de celle-ci, mais en usant d’une tactique purement juridiste. Son argument se résume à ceci : « Vous ne pouvez pas me citer une déclaration hérétique d’un Pape conciliaire et me dire ensuite que l’intéressé est un hérétique, car si cela se trouve, peut-être est-il lui-même convaincu, d’une manière ou d’une autre, que ce qu’il a dit n’est pas une hérésie. » C’est là ce qu’on pourrait appeler l’argument « peut-être-qu’il-ne-voulait-pas-dire-ça ».

C’est très futé, mais cela n’a rien à voir avec la réalité. Nous avons déjà vu que les « sept moyens de défense » que Salza vient de tirer du droit canonique ne font rien pour accréditer sa cause, car la loi stipule que la mauvaise volonté est à présumer et que l’existence des circonstances atténuantes est à démontrer.

Toutefois, indépendamment même du droit ecclésiastique, la droite raison et le sens commun suffisent à nous faire comprendre que l’argument « peut-être-qu’il-ne-voulait-pas-dire-ça » est stupide, à en juger par les faits relatifs à l’apostasie conciliaire.

C’est ainsi que dans son « encyclique » du 4 mars 1979 « Redemptor Hominis », le faux pape Jean-Paul II émet un répugnant blasphème consistant à évoquer « la fermeté de la croyance des membres des religions non chrétiennes – effet elle aussi de l’Esprit de vérité opérant au-delà des frontières visibles du Corps mystique… » (http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/encyclicals/documents/hf_jp-ii_enc_04031979_redemptor-hominis_fr.html). Il enseigne donc par là que la ferme adhésion des non-chrétiens (c’est-à-dire les Juifs, les musulmans, les païens) à leurs fausses croyances religieuses est l’œuvre de l’Esprit Saint opérant dans le monde ! Peut-on concevoir quoi que ce soit de plus antichristique ?

Ce sont des exemples comme celui-là qui mettent en relief l’invraisemblance de l’argument de John Salza selon lequel il faudrait compter avec une quelconque « ignorance non coupable » (!), une « inadvertance non coupable » ou une « erreur non coupable » ! Oh, bien sûr, Jean-Paul II était innocemment inconscient que le Saint-Esprit, c’est-à-dire l’« Esprit de vérité » qui « vous guidera dans toute la vérité » (Jean 16:13), ne saurait également conduire et maintenir les non-chrétiens dans l’infidélité ! Bien sûr, Jean-Paul II n’avait aucune idée – et ne pouvait réellement avoir découvert (c’est non coupable de sa part, rappelez-vous !) – que le Saint-Esprit, Troisième Personne de la Sainte Trinité, ne conduit pas les Juifs à rejeter le Christ, ne conduit pas les musulmans à rejeter la Sainte Trinité, ne conduit pas les sorciers du culte vaudou à sacrifier des poulets, ne conduit pas les hindous à adorer le pénis de Shiva ! Comment Karol Wojtyla aurait-il pu savoir tout cela, dites-moi ? « Car quelle société y a-t-il entre la justice et l’iniquité ? Ou qu’a de commun la lumière avec les ténèbres ? Quel accord y a-t-il entre le Christ et Bélial ? » (2 Corinthiens 6:14-15).

Mesdames et Messieurs, voilà dans quelle situation nous sommes ! Non, nous ne parlons pas ici d’une déclaration déroutante faite accidentellement par un Pape témoignant d’une « inadvertance non coupable » Nous parlons d’une défection volontaire, systématique et complète d’avec l’Évangile, d’autant plus que l’Esprit de Vérité est désormais blasphémé comme étant l’auteur de mensonges, que Dieu est mis sur le même plan que le démon ! Qu’y a-t-il donc ici de déroutant ?

Il est intéressant de relever que chaque fois que des adeptes de la position « on-reconnaît-mais-on-résiste » prennent le sédévacantisme pour cible, la terrible vérité est commodément ignorée, minimisée ou même écartée, et ils revêtent leur masque de surprise hypocrite en disant : « De l’hérésie ? Quelle hérésie ? De quoi parlez-vous ? » Mais, chose curieuse, ils ne posent ce genre de questions que lorsqu’ils argumentent contre le sédévacantisme. Le reste du temps, ils sont bien conscients que la situation est désastreuse et inconciliable avec le véritable catholicisme, d’autant qu’ils ne craignent pas de dire que Benoît XVI est le chef d’une nouvelle religion ! Ah oui ? Parce que le Pape peut en même temps avoir sa nouvelle religion à lui et rester chef de l’Église catholique ?

Parmi les pires cas, et de loin, de cette schizophrénie consistant à dire que le « Pape » est à la fois Vicaire du Christ et Satan, il y a Monseigneur Richard Williamson, de la FSSPX, ainsi que les individus qui sont derrière le site Internet Traditio. Du fait de leur position pseudo-théologique, ils ont réduit la papauté et l’Église à l’insignifiance, l’une et l’autre pouvant – selon eux – être contredite, ignorée ou minimisée à volonté par quiconque possède un exemplaire du Denzinger. On ne peut qu’imaginer ce que saint Pie X aurait eu à dire de cela !

Mais il nous faut retourner à John Salza et à sa critique « percutante ». Notre avocat du Wisconsin poursuit en ces termes :

« Après tout, lorsque nos pères terrestres font des fautes et vont même jusqu’à commettre le mal, ils n’en restent pas moins nos pères. Ce n’est que quand ils agissent avec malice contre leurs enfants que l’État peut intervenir publiquement et les dépouiller de leur paternité. »

(Salza, « Présomption », p. 2)

Cette vieille lune est l’un des arguments les plus fallacieux qu’emploient les opposants au sédévacantisme. Oui, nos pères terrestres peuvent commettre le mal et rester quand même nos pères. Mais c’est parce que la paternité terrestre est au fond une réalité biologique et dépend entièrement d’un événement biologique du passé. Et cette preuve va quelque peu au-delà de ce que Salza entendait prouver, puisqu’il va de soi que rien, absolument rien ne peut faire que mon père terrestre cesse d’être mon père : ni l’hérésie, ni l’apostasie, ni l’entrée dans la franc-maçonnerie, ni le reniement de paternité, ni même… le fait de devenir avocat !

Étant donné que la paternité biologique est irrévocablement liée à un événement biologique du passé, cette tentative d’établir une analogie entre elle et la paternité spirituelle du Pape vis-à-vis des membres de l’Église catholique est complètement hors de propos. De même, d’ailleurs, que le fait de mentionner la possibilité d’une intervention de l’État séculier, car une telle intervention ne peut s’appuyer que sur le droit humain séculier, et comme celui-ci – étant humain et séculier – n’est évidemment pas d’origine divine, il peut être modifié ou abrogé à tout moment au gré du moindre vote démocratique, ce qui signifie que l’on ne saurait voir en lui de fondement crédible pour une argumentation théologique. En outre, même si l’État retirait à mon père sa paternité légale, celui-ci n’en resterait pas moins mon père. Peut-être n’aurait-il plus la faculté d’agir comme tel sur bien des plans, mais il serait encore et toujours mon père. C’est pourquoi l’argument que Salza est allé pêcher là est « trop probant » et ne prouve donc rien.

            8. Hérésie « papale » : ne la trouvez-vous pas détestable quand elle se produit ?

Ensuite, Salza taxe les sédévacantistes d’« un manque de compréhension de la loi divine comme du droit canonique », parce que nous citons souvent le Canon 188 n. 4 à l’appui de notre position : 

« Nonobstant les nombreux moyens de défense opposables à l’accusation d’hérésie formelle, les sédévacantistes se réfèrent souvent au canon 188.4 du Code de 1917 selon lequel « sont vacants “ipso facto” et sans aucune déclaration, quelque office que ce soit si le clerc […] apostasie publiquement la foi catholique. » Comme les papes ont fait publiquement leurs déclarations « hérétiques », les sédévacantistes en concluent automatiquement que le canon 188.4 s’applique et que le pape perd son office. Cette conclusion est erronée et dénote de leur part un manque de compréhension de la loi divine comme du droit canonique.

« Tout d’abord, un Pape qui fait des déclarations hérétiques n’est pas présumé être un hérétique formel sur la base de ces seules déclarations.

(Salza, « Présomption », p. 2)

Interrompons un moment les propos pontifiants de Salza et insistons sur la folie furieuse de tout cela : Salza discourt comme s’il était entièrement normal et ordinaire qu’un Pape fasse des déclarations hérétiques. Il parle de l’hérésie sortant de la bouche d’un Pape sans le moindre soupçon de surprise ou d’inquiétude, comme s’il évoquait une victoire de l’équipe de baseball des Yankees. (Il est vrai que dans son église, l’hérésie « papale » est fréquente !)

S’il est vrai, d’une manière générale, qu’un individu faisant une déclaration hérétique (quand il y en a plusieurs, cela devient un peu plus préoccupant) n’est pas forcément pertinace, car il peut simplement s’être trompé de bonne fois ou s’être mal exprimé, le bénéfice du doute ne lui est pas accordé s’il s’agit d’un clerc, notamment si ce clerc est titulaire d’un doctorat en théologie sacrée, et d’autant moins s’il est censé remplir un office en vertu duquel il est tenu de connaître, donc légitimement présumé connaître la Foi catholique en long et en large.

« Par exemple, l’ignorance n’est pas à présumer de la part que quelqu’un qui est versé en droit, ou encore de la part de quelqu’un qui occupe certaines fonctions, vis-à-vis de ce qui relève de ces dernières. C’est pourquoi, également, même si l’ignorance est démontrée dans de tels cas, elle sera jugée crasse et inexcusable. »

(Swoboda, Ignorance, pp. 185-186)

« En présumant la connaissance de la loi, le législateur se borne à supposer que l’individu n’a pas failli à cette obligation [connaître la loi]. »

(Swoboda, Ignorance, p. 180)

« Par exemple, la preuve qu’un certain prêtre prêche publiquement une doctrine condamnée par le Saint-Siège (mais non pas en tant qu’hérétique [!]) ne fournit pas encore la démonstration que ce prêche a été fait avec pertinacité, comme le canon 2317 l’exige pour que des sanctions puissent être infligées. »

(Swoboda, Ignorance, p. 176 ; c’est nous qui soulignons)

On notera que dans cette dernière citation, l’auteur établit une exception très claire en ce qui concerne les doctrines qui sont hérétiques, car l’hérésie publique est une tout autre affaire, à ne pas ranger avec les erreurs doctrinales de moindre importance dans la mesure où elle débouche non seulement sur des peines canoniques, mais aussi sur la perte tacite d’un office (nous verrons cela plus en détail par la suite).

Bien entendu, le problème posé par un clerc débitant des hérésies devient beaucoup plus compliqué lorsqu’il apparaît que l’intéressé ne s’est pas simplement mal exprimé, mais qu’il montre – par ses actions ou ses déclarations ultérieures – qu’il souscrit entièrement aux hérésies en question. Une célèbre étude du Droit canonique portant sur l’hérésie en tant que crime contre l’Église signale ceci :

« Si le délinquant qui prétend cela [ignorer que ce qu’il a dit est hérétique] est un clerc, sa demande de circonstances atténuantes est à rejeter, soit comme insincère, soit comme indiquant une ignorance affectée, ou du moins une ignorance crasse ou supine… »

(Rév. Eric F. MacKenzie, The Delict of Heresy [Washington, D.C.: the Catholic University of America Press, 1932], p. 48)

Cela signifie que si un clerc catholique romain entend présenter son ignorance comme excuse, on doit considérer qu’il y a là de sa part : ou un mensonge (« insincère », comme l’explication consistant à dire : « je ne savais vraiment pas, mais quoi qu’il en soit, j’ai un bon avocat pour l’expliquer ») ; ou bien une ignorance délibérément recherchée (« affectée », comme l’explication consistant à dire : « j’ai délibérément omis de vérifier dans mon manuel de théologie dogmatique, parce que j’avais peur d’y lire que les païens n’adorent pas la Sainte Trinité ») ; ou bien encore une ignorance gravement coupable (« ignorance crasse ou supine », comme l’explication consistant à dire : « je ne savais pas, mais j’avais l’obligation de savoir, et j’aurais pu me renseigner facilement, mais je n’en ai pas pris la peine ; c’est donc de ma faute si je n’ai pas rempli cette obligation »).

Ce qui accroît encore l’importance de ces considérations, c’est que plus l’ignorance est coupable ou affectée, plus le clerc en question consent implicitement à l’hérésie. C’est ce que dit le canon 2199, auquel Salza se réfère, mais sans le citer :

« L’imputabilité du délit dépend du dol du délinquant ou de sa culpabilité dans l’ignorance de la loi violée ou dans l’omission de la diligence nécessaire: en conséquence, toutes les causes qui augmentent, diminuent, suppriment le dol ou la culpabilité, augmentent, diminuent, suppriment par le fait l’imputabilité du délit. »

(Canon 2199 ; extrait de Edward N. Peters, ed., The 1917 Pio-Benedictine Code of Canon Law [San Francisco, CA : Ignatius Press, 2001] ; c’est nous qui soulignons.)

Salza a pris soin de se référer à ce canon au seul bénéfice de son argumentation, en négligeant commodément de vous dire qu’une telle loi expose des motifs non seulement de diminuer, mais aussi d’accroître la faute de l’intéressé, à savoir la culpabilité dans l’ignorance et l’omission dans la diligence nécessaire. On a trop souvent tendance à considérer que l’ignorance est sans faute, oubliant ainsi qu’elle peut être tout à fait coupable, donc rendre l’intéressé extrêmement blâmable.

En outre, le premier Concile du Vatican enseigne sans ambiguïté que « ceux qui ont reçu la foi sous le magistère de l’Église ne peuvent jamais avoir un juste motif de changer ou de remettre en question cette foi» (Constitution dogmatique Dei Filius, Ch. 3, par. 15, http://paroissespsp.free.fr/Dei%20Filius.htm), ce qui ôte d’emblée toute légitimité à la moindre tentative d’excuser une quelconque atteinte à la Foi, quel qu’en soit le prétexte. 

En somme, tout cela ne milite guère en faveur de Benoît XVI,  Jean-Paul II et Paul VI.

            9. Le Roi qui ment

Poursuivant sa défense pseudo-érudite des « Papes » conciliaires, John Salza écrit ce qui est peut-être la chose la plus risible jamais proférée dans toute la controverse relative au sédévacantisme :

« Quelqu’un peut faire des déclarations hérétiques tout en conservant des dispositions intérieures orthodoxes, c’est-à-dire ne pas croire forcément ce qu’il dit, en raison de nombreux facteurs (pressions exercées sur lui par ses pairs, zèle intempestif, déséquilibre psychique, voire désorientation diabolique).

(Salza, « Présomption », p. 2)

Eh oui, mes frères dans le Christ ! Voilà à quelle aberration en est réduite la défense conciliaire des « Papes » modernistes : « Nous ne savons pas avec certitude que Benoît XVI n’est pas un catholique, quand bien même il exprime manifestement de franches hérésies – et cela au motif qu’il ne croit peut-être pas vraiment ce qu’il dit » !

Bien sûr ! Peut-être le « Pape » est-il juste en train de nous mentir, pas vrai ? Et s’il faisait seulement semblant d’être un protestant, un franc-maçon, un moderniste, un païen ? La main sur le cœur (il doit s’entraîner depuis longtemps !), Maître Salza reproche aux sédévacantistes de « présumer » que lorsque l’abbé Ratzinger prêche la liberté religieuse, il le fait parce qu’il croit vraiment en la liberté religieuse ! Comment osons-nous ? (Voilà quelle est la version salzinienne du « péché de présomption » !)

Le plus terrifiant dans l’affaire, c’est que Salza croit vraiment porter là un grand coup à la position sédévacantiste. En 2006, lorsqu’un autre avocat critiquait le sédévacantisme (Christopher Ferrara – The Remnant – de regrettable mémoire), du moins nous adressait-on la sommation suivante : « Montrez-nous l’hérésie ! » Mais aujourd’hui, cinq ans après, alors que nous leur avons montré cette hérésie, leur défi est le suivant : « Prouvez-nous maintenant que c’est ce qu’il voulait dire ! »

Fort bien, Maître, si vous tenez absolument à éliminer la raison de cette controverse, allez-y. Mais ne croyez pas une seconde que votre position l’a emporté, car dès lors que vous quittez le terrain de la raison pour tenter de justifier votre position, vous reconnaissez que cette dernière est absurde, qu’elle ne mérite tout simplement pas d’être prise au sérieux par les êtres humains, qui sont des créatures rationnelles.

John Salza – on le voit bien ici – n’est décidément qu’un avocat ; ce n’est pas un théologien, un canoniste ou un philosophe catholique, et il se borne à user de toutes les ficelles de son métier pour défendre son client, Benoît XVI, dans l’espoir que ses lecteurs se laisseront convaincre par au moins une d’entre elles.

Vous semble-t-elle relever d’une théologie authentiquement catholique, cette idée selon laquelle on ne devrait pas tenir Ratzinger pour responsable alors même qu’il exprime son hérésie foncière en paroles et en actes, au motif qu’une « pression des pairs », un « zèle intempestif », un « déséquilibre psychique » ou une « désorientation diabolique » pourrait le pousser à dire et à faire des choses contraires à ce qu’il pense vraiment ? Est-ce là une opinion qu’aurait pu soutenir le Père Réginald Garrigou-Lagrange, saint Robert Bellarmin ou saint Pie X ? Cela ne ressemble-t-il pas plutôt au boniment désespéré d’un avocat sur le point de perdre son affaire et sollicitant tous les faux-fuyants possibles, au point même de faire injure à l’intelligence des jurés ?!

Imaginons un avocat qui prononcerait la plaidoirie suivante :

« Mesdames et Messieurs les membres du jury, il est vrai que mon client a avoué avoir commis le crime en question. Et aujourd’hui encore, il reconnaît sa propre culpabilité. Néanmoins, à un moment ou à un autre de notre vie, n’avons-nous pas tout dit des choses que nous ne croyions pas ? C’est pourquoi l’accusation doit maintenant démontrer que l’aveu de culpabilité de l’accusé est authentique et ne constitue pas un mensonge. »

Le jury n’éclaterait-il pas d’un gigantesque fou rire devant une défense aussi imbécile ?

Et au fait, qu’est-ce donc qu’un « zèle intempestif » ? Sommes-nous censés croire que Ratzinger est désireux de convertir les païens au point d’omettre de leur dire qu’ils doivent accepter l’Évangile ? Ou bien qu’il cherche tant à ramener les protestants au sein de l’Église catholique qu’il veut modifier l’enseignement catholique en la matière ? Devons-nous penser que ce faisant, il ne commet aucune faute et demeure orthodoxe ? Vous semble-t-il que Ratzinger essaye désespérément de convertir les protestants pour leur épargner la damnation ?… Restons sérieux !

Une autre bizarrerie est l’expression « déséquilibre psychique ». Bien sûr, on peut expliquer la destruction du catholicisme à laquelle l’église Conciliaire se livre depuis cinquante ans par le fait qu’après Pie XII, les « Papes » oubliaient de prendre leur Prozac ! Il va de soi que fondamentalement, c’étaient tous des parangons d’orthodoxie catholique, mais qu’ils ne le laissaient voir à personne, car dans leur « zèle intempestif », ils ne suivaient pas leur traitement et sombraient donc dans un « déséquilibre psychique ». On a peine à croire qu’un tel non-sens puisse sortir de la plume d’un avocat se prétendant catholique romain.

Mais mon préféré, c’est la « pression des pairs ». Un scénario des plus réalistes vient à l’esprit : imaginons le cardinal Tarcisio Bertone coinçant Benoît XVI dans la sacristie avant la messe du dimanche et lui lançant entre quatre-z-yeux : « Si tu ne nies pas la Royauté sociale du Christ dans ton sermon du jour, tu t’exposes à de sévères brimades ! » Et la seule réponse que Bertone pourrait attendre de l’abbé Ratzinger serait évidemment : « Hé ho ! J’ai déjà fait ça hier en visitant la synagogue locale, quand j’ai dit aux Juifs qu’ils avaient le droit moral de célébrer en public leurs rites négateurs de la Trinité. »

Les arguments de Salza n’ont tout simplement rien à voir avec la réalité. L’apostasie conciliaire a été inaugurée le plus volontairement du monde et à partir du sommet. C’est Jean XXIII qui l’a amorcée en convoquant le concile sans préavis, se bornant à annoncer la nouvelle à des cardinaux sous le choc.

En dernier ressort, Salza sort son joker, la « désorientation diabolique », cet argument à tout faire, ce « chèque en blanc » permanent grâce auquel ceux qui disent fièrement « on-reconnaît-mais-on-résiste » excusent tout ce qui émane du Vatican moderniste et avec lequel ils sont en désaccord, sans avoir à en tirer la conclusion désagréablement inconfortable que le Siège de Pierre est vacant et que l’église Conciliaire n’est pas l’Église catholique !

Si Salza invoque la « désorientation diabolique », c’est à seule fin d’écarter sans conséquences dérangeantes tout ce qu’il a envie ou besoin d’écarter. Il se sert de cette notion pour mettre en apesanteur les enseignements de l’Église et le droit canonique, jusqu’à la raison elle-même et aux lois de la simple logique. Le slogan « pas de règles et tout va bien » décrit parfaitement cette posture mentale permettant d’élaborer des conclusions et explications sur mesure lorsqu’on ne peut décemment laisser s’exprimer celles – nécessaires et dérangeantes – qu’imposent la raison humaine et les enseignements de l’Église, parce que cela nous placerait en face d’une réalité trop horrible à regarder.

On chercherait en vain, bien entendu, cette notion de « désorientation diabolique » dans les textes de théologie sacrée ou les manuels de droit canonique. Il s’agit d’une formule creuse de plus, élaborée par l’aveugle conduisant l’aveugle et prononcée pour la première fois par une femme qui prétendait être sœur Lucie de Fatima, mais dont l’identité est suspecte (http://www.virgo-maria.org/Livres/laurent_morlier/Doc/node18.htm).

Comme la « désorientation diabolique » est une notion parfaitement étrangère à la théologie sacrée et à la philosophie catholique, c’est à John Salza qu’incombe la charge de la preuve, c’est-à-dire l’obligation de définir et de défendre cette notion, ainsi que de montrer en quoi elle s’applique à la controverse dont il est question ici. Naturellement, il devrait le faire non de sa propre autorité, mais avec celle des théologiens et philosophes catholiques, ou encore celle des enseignements magistériels… Souhaitons-lui bonne chance !

Eu égard à toutes ces excuses fantaisistes de John Salza, dont le seul but véritable est évidemment d’éviter à Ratzinger l’inculpation justifiée d’hérésie, que l’on imagine la scène suivante au siège de la FSSPX à Écône, en Suisse :

L’abbé Schmidberger à Mgr Fellay : « Votre Excellence, le Saint-Siège vient de publier une nouvelle encyclique. Il s’agit des fadaises modernistes habituelles sur l’œcuménisme et la liberté religieuse. On dirait que Ratzinger a encore oublié de suivre son traitement. »

Mgr Fellay à l’abbé Schmidberger : « Merci de cette information, Monsieur l’Abbé. Ne vous inquiétez pas, je vais dire aux fidèles de ne pas lire l’encyclique en question ou, s’ils la lisent, du moins de ne pas y ajouter foi. Vous ne devriez cependant pas vous montrer si téméraire dans votre jugement de Benoît XVI. Comment savez-vous qu’il a arrêté son traitement ? Il est peut-être victime d’une désorientation diabolique quelconque ; ou alors il est sous l’emprise d’un zèle intempestif ; à moins, peut-être, que le Cardinal Bertone ne soit encore en train d’exercer sur lui la pression d’un pair… En tout état de cause, cela offrira une bonne occasion de rappeler aux fidèles notre campagne perpétuelle en faveur de la Tradition : “Lisez Denzinger, pas Ratzinger” ».

Dès lors qu’on essaye d’appliquer l’excuse Salzanienne à un scénario concret, on en perçoit bien toute l’absurdité.

En résumé, l’argument de Salza selon lequel l’« hérésie papale » pourrait tout bonnement être le fait d’un Pape qui ment, d’une sorte de « roi qui ment » doit être rejeté comme n’étant rien d’autre qu’une insulte des plus impudentes à l’intelligence humaine.

            10. Pulpit Fiction ? [5]

Dans une tentative pathétique d’étayer son assertion insensée selon laquelle Benoît XVI ne croit pas ce qu’il enseigne, John Salza écrit ceci :

« En fait, après avoir rétracté ce qu’il avait dit au sujet de l’Islam, le Pape Benoît XVI a admis que ses déclarations (qui constituent un fondement indispensable de la position sédévacantiste) ne reflétaient pas forcément ses convictions personnelles. Autrement dit, le Pape a reconnu que ce qu’il dit et ce qu’il croit peuvent être deux choses différentes (ce qui prouve qu’il se débat sous l’effet d’une inadvertance non coupable ou d’une erreur de [sic] réserve mentale).

(Salza, « Présomption », p. 2)

Cela est absolument faux. Curieusement, Salza n’a jugé bon ni de présenter une citation du discours initial de Benoît XVI ou de la rétractation de ce discours, ni de se référer à un seul document écrit. Pourquoi donc ?

Mettons bien les choses au point. Tout d’abord, quoique les discours de Benoît XVI nous révèlent manifestement la pensée de l’homme Joseph Ratzinger, il n’est pas vrai qu’ils constituent un « fondement indispensable » du sédévacantisme. Ce dernier, en effet, existait bien avant que l’abbé Ratzinger, revêtu d’une soutane blanche, ait jamais salué quiconque depuis le balcon de Saint-Pierre.

Ensuite, il n’est tout bonnement pas vrai que Benoît XVI ait « admis que ses déclarations […] ne reflétaient pas forcément ses convictions personnelles ». Si l’on considère que Salza se réfère ici à la controverse suscitée par la conférence que Benoît XVI a donnée lors d’une réunion avec les représentants des sciences le 12 septembre 2006 à l’Université de Regensburg (Allemagne), il se trouve simplement qu’à cette occasion, le « Pape » a cité l’empereur byzantin Manuel II Paléologue, qui avait dénoncé Mahomet pour avoir répandu par l’épée de nouveaux enseignements erronés (l’Islam). Benoît XVI a dit ainsi des propos de l’empereur qu’ils étaient « rudes », mais après avoir indiqué dans quelle intention il les citait :

« je voudrais seulement aborder un argument — assez marginal dans la structure de l’ensemble du dialogue — qui, dans le contexte du thème « foi et raison », m’a fasciné et servira de point de départ à mes réflexions sur ce thème. »

Voici les propos exacts de l’empereur :

« Montre-moi donc ce que Mahomet a apporté de nouveau, et tu y trouveras seulement des choses mauvaises et inhumaines, comme son mandat de diffuser par l’épée la foi qu’il prêchait. »

(http://storico.radiovaticana.org/fr1/storico/2006-09/95586_texte_integral_du_discours_de_benoit_xvi_a_ratisbonne.html)

Encore un coup d’épée dans l’eau pour Salza ! Qu’essaye donc de nous dire notre avocat du Wisconsin ? Que Benoît XVI ne croit pas que la pratique de Mahomet consistant à répandre l’Islam par l’épée eût été une mauvaise chose ?… Sérieusement ? Ou peut-être que Mahomet ne s’est pas contenté d’introduire dans le monde des nouveautés mauvaises ? (L’ironie de tout cela, bien sûr, étant que les musulmans ont justement brandi des menaces de mort et de violence [!] en représailles contre une déclaration aussi « offensante » : CQFD, et vive l’empereur !)

Quoi qu’il en soit, il va sans dire que l’on peut citer quelqu’un sans être forcément d’accord avec ce que l’on cite, tout dépendant du contexte. Dans cette conférence, Benoît XVI faisait de cette citation de l’empereur le point de départ d’une réflexion, d’un monologue sur la foi et la raison, ainsi que sur le caractère déraisonnable du recours à la violence, et cela reflète bel et bien sa propre conviction. Le fait d’avoir dit que la déclaration de l’empereur était d’« une rudesse assez surprenante qui nous étonne » montre que l’orateur prend ses distances au moins avec le ton polémique de cette déclaration, avec la manière dont elle a été formulée. Mais contrairement à ce que pense Salza, ce fait ne prouve nullement que les discours de Ratzinger ne reflètent pas les convictions personnelles de leur auteur. Lisez le texte entier de la conférence et demandez-vous si l’on peut raisonnablement en déduire que l’ensemble de cette dernière ne reflète pas la pensée de Benoît XVI. Il est évident qu’elle la reflète ; sinon, de quelle autre pensée pourrait-elle bien être le reflet ?

Donc, Ratzinger n’a nullement reconnu que ses discours ne reflétaient pas forcément ses convictions personnelles ; il s’est borné à préciser que ce n’était pas parce qu’il citait les propos de quelqu’un qu’il était d’accord avec eux ; force est d’étudier le contexte pour se faire une idée d’ensemble et comprendre à quoi sert la citation aux fins de la conférence tout entière. C’est parfaitement exact et tout à fait raisonnable, et cela n’indique en aucun cas que la conférence ne reflétait pas les convictions personnelles de son auteur. (En outre, cela devrait rendre les tenants de la position « on-reconnaît-mais-on-résiste » plus prudents lorsqu’ils lisent sous la plume de Ratzinger la citation d’une source catholique orthodoxe, car peut-être lui-même n’est-il pas d’accord avec cette citation ! Enfin, si l’on suit le raisonnement de Salza, on peut tout aussi bien estimer que saint Thomas d’Aquin ne croyait pas vraiment ce qu’il a écrit dans la Summa Theologica, sous prétexte que dans la Partie I, Objection 1 de la Question 2, Article 3, on peut lire ceci : « il semble que Dieu n’existe pas… » [http://www.newadvent.org/summa/1002.htm].)

D’autre part, il y ici a un amusant paradoxe à découvrir. Si l’on prend l’argument de Salza au pied de la lettre, on est amené à comprendre que selon lui, Benoît XVI s’est dit personnellement en désaccord avec le point de vue de l’empereur selon lequel Mahomet avait amené des nouveautés mauvaises et inhumaines, comme le fait de répandre la religion islamique par l’épée. Or, si Ratzinger est en désaccord avec cela, il s’oppose à une déclaration manifestement pertinente et orthodoxe. S’il a « éclairci » quoi que ce soit, ce ne peut donc être qu’en rejetant une déclaration louable et orthodoxe en faveur de son contraire ! Et cela n’apporte pas précisément de l’eau au moulin de Salza, qui a tenté d’exploiter cet épisode pour faire croire que Ratzinger formule des hérésies qu’il « éclaircit » ensuite en disant les avoir conçues dans un sens orthodoxe… Raté !

Comme d’habitude, Il n’est pas de meilleur témoin de l’apostasie de Ratzinger que Ratzinger lui-même. Dans la note en bas de page n° 3 annexée au texte publié de sa conférence, il apporte en effet l’« éclaircissement »  suivant :

« Cette citation a malheureusement été comprise dans le monde musulman comme expression de ma propre position, et a provoqué ainsi une indignation compréhensible. J’espère que le lecteur de mon texte peut reconnaître immédiatement que cette phrase n’exprime pas mon attitude personnelle à l’égard du Coran, pour lequel j’éprouve le respect qui convient pour le livre saint d’une grande religion. »

(http://www.phpbbserver.com/phpbb/viewtopic.php?p=8927&sid=fe2824858ae4b9e6387f391e58f3f230&mforum=lelibreforumcat)

Merci d’avoir ainsi levé le doute, cher Abbé Ratzinger ! (J’épargnerai au lecteur ce que ce « livre saint », que Benoît XVI respecte tant, enseigne sur les chrétiens et la Très Sainte Trinité…)

Une ultime réflexion sur ce point pourrait être la suivante : si Ratzinger ment dans ses discours en ne nous disant pas ce qu’il pense vraiment, comment savons-nous qu’il ne nous ment pas dans ses « éclaircissements » ou ses « rétractations » a posteriori ? Quel genre de jeu vicieux et stupide est-ce là ?

Désolé, M. Salza, mais cet argument, lui aussi, dément votre argumentation plus qu’il ne la renforce. Cela n’a rien à voir avec les réserves mentales ou l’on ne sait quelle inadvertance non coupable.

            11. Essai et erreur

Poursuivant son apologétique à la va-comme-je-te-pousse, notre avocat du Wisconsin écrit ceci :

« En outre, le pape, étant au-dessus du commun des mortels, aurait le droit de rejeter toute preuve qu’il s’écarte intentionnellement de la Foi catholique, selon la justice comme selon la procédure exigée par le droit. Cela va sans dire. »

(Salza, « Présomption », p. 2)

Cette assertion semblera peut-être pertinente à un juriste débutant ou à un avocat américain, mais elle pose d’insurmontables problèmes sur les plans théologique et canonique. « Selon la procédure exigée par le droit » ? Devant quel tribunal ? Aux termes de quelle loi ? (Le Pape étant lui-même le législateur suprême). Souvenons-nous que le Pape ne peut être soumis à un procès, puisqu’il n’a aucun supérieur sur terre et que nul ne saurait donc le juger (voir la première partie du présent essai pour le détail de cette question et de ce qui s’y rapporte). Il n’y aurait personne pour décider si la « réfutation » donnée par le Pape suffit ou non à le disculper, autrement dit, si elle est assez convaincante pour établir son innocence. Enfin, il ne se trouverait personne pour rendre un jugement. L’argument de Salza, apparaît donc comme fabriqué de toutes pièces, c’est-à-dire dénué de tout fondement raisonnable et ne reposant en aucun cas sur les enseignements ou la loi de l’Église.

Ne perdons pas de vue qu’une chose ne devient pas vraie au seul motif que Salza décrète qu’elle « va sans dire ».

Mais la question mérite évidemment une réponse. Comment peut-on savoir qu’un homme se prétendant Pape s’est en fait écarté de l’enseignement catholique ? On le sait en toute certitude dès lors que la chose devient raisonnablement évidente. Pour exprimer cela en termes philosophiques, il suffit d’avoir la « certitude morale » que quelqu’un a apostasié la Foi catholique, ce qui suppose une certitude raisonnable autorisant une possibilité, mais non une probabilité d’erreur, en fonction de ce qui se constate le plus souvent dans le comportement humain ordinaire.

Par exemple, un homme rigoureusement catholique dans sa conduite extérieure, se montrant soucieux du bien-être temporel et éternel des âmes, cultivant méticuleusement la piété et l’orthodoxie dans sa vie, ne saurait être raisonnablement accusé d’hérésie s’il tient un jour des propos qui paraissent contraires à la bonne doctrine ou à la droite raison. Dans un tel cas, on serait évidemment tenu – ne serait-ce que par la charité – d’inviter l’intéressé à préciser sa pensée et, au cas où d’autres doutes ou questions persisteraient, de lui demander comment les propos en question lui semblent cadrer avec l’enseignement de l’Église.

Mais ce n’est pas du tout ce qui se produit depuis la mort du Pape Pie XII, où l’on voit d’arrogants novateurs usurper les structures d’autorité catholiques. Ils versent des larmes de crocodile sur les nombreux « abus » constatés, mais ils n’en sont pas moins profondément imbus de l’esprit de modernisme et de nouveauté que l’Église condamnait sévèrement jusqu’à cette année fatidique de 1958, et ils tentent d’imposer aux âmes catholiques les erreurs mêmes contre lesquelles l’Église avait toujours mis en garde auparavant.

L’abandon délibéré et malicieux de l’orthodoxie catholique est évident chez ces hommes, car chaque fois qu’ils tiennent des propos ambigus, leurs actions finissent par résoudre cette ambiguïté en faveur de l’hétérodoxie, non de l’orthodoxie.

Ce n’est pas le lieu ici de rappeler à nouveau les nombreux exemples variés de l’intention hérétique ou apostate qui sous-tend les paroles et actions des « Papes » depuis la mort de Pie XII. On en a cité quelques-uns au début du présent essai, et il existe à cet égard bien d’autres sources en ligne, notamment Novus Ordo Watch (novusordowatch.org), voire le site non sédévacantiste Tradition In Action (traditioninaction.org).

L’abandon de l’orthodoxie catholique par le Vatican est aujourd’hui si complet et si flagrant que quiconque possède ne serait-ce qu’une notion rudimentaire du message essentiel des Saints Évangiles ne peut manquer de remarquer que non seulement les individus en question se séparent du catholicisme, mais qu’ils ont même renoncé au moindre semblant de christianisme. Ils ne croient tout simplement pas que le monde entier a strictement besoin d’un Rédempteur, d’un Sauveur, et qu’aucun de ceux qui ne meurent pas dans Sa grâce ne peut accéder à la vie éternelle. L’ensemble de leurs actions et enseignements montre clairement qu’ils ne ressentent pas l’urgence de prêcher l’Évangile à tous et qu’ils ne travaillent qu’à l’établissement d’un monde « plus humain », d’un paradis temporel de « paix » et d’« harmonie » à l’unisson de toutes les religions du monde, dans lequel chacun est libre d’adhérer à la religion qui lui plaît, sans penser véritablement à notre destinée éternelle.

Cette apostasie, condamnée par saint Pie X sous le nom de « sillonnisme » dans son encyclique « Notre mandat apostolique » (1910), est à présent si manifeste que les dénominations protestantes sont désormais plus proches du catholicisme orthodoxe que n’en sont les « autorités » vaticanes. Du moins certains protestants croient-ils que le Sacrifice rédempteur du Christ sur la Croix était nécessaire au rachat de nos péchés, contrairement à ce que pense l’abbé Fobert Zollitsch, « Archevêque » de Fribourg (Allemagne) (voir http://www.lifesitenews.com/news/archive/ldn/2009/apr/09042107). Certes, les protestants sont entièrement dans l’erreur quant à la nature de ce Sacrifice et la manière dont il rachète nos péchés, mais ils reconnaissent au moins la nécessité d’un Rédempteur ! L’« Archevêque » Zollitsch, qui est le chef de la conférence des évêques conciliaires d’Allemagne, n’en croit pas autant, lui. Et pourquoi ? Parce que, comme tous les modernistes, il nie la réalité du péché originel.

Mais retournons au reste de l’article de John Salza.

            12. D’autres canons qui font long feu

Poursuivant sa critique pseudo-érudite, Salza prétend que le canon 188 n. 4, aux termes duquel ceux qui ont publiquement apostasié la Foi catholique perdent ipso facto la totalité de leurs offices, en l’absence même de toute déclaration dans ce sens, « requiert l’ouverture d’une enquête ecclésiastique avant qu’une hérésie formelle puisse être établie » :

« Cela tient à ce que le canon 18 est ainsi rédigé : “Les lois ecclésiastiques doivent être entendues selon la signification propre que revêtent les mots dans le texte et le contexte ; si elle demeure douteuse et obscure, on doit se reporter aux lieux parallèles du Code, s’il en est, au but et aux circonstances de la loi, et à l’intention du législateur.” Appliqué en l’espèce, le canon 188 doit être harmonisé avec d’autres dispositions parallèles du Code. À cette fin, il y est fait référence au canon 2314 (ainsi qu’aux canons 2379 et 2388). Cela signifie que le canon 2314 apporte des précisions sur la signification et la portée du canon 188. »

(Salza, « Présomption », pp. 2-3)

Il y a beaucoup de choses à dire en réplique à cet argument irréfléchi, et la difficulté est de savoir laquelle évoquer en premier. Le mieux est peut-être de commencer par citer simplement le canon 188 n. 4 :

« En vertu de la renonciation tacite admise ipso jure, sont vacants “ipso facto” et sans aucune déclaration, quelque office que ce soit si le clerc :

[…]

4. apostasie publiquement la foi catholique ; »

(Canon 188 n. 4 ; extrait de Peters, The 1917 Pio-benedictine Code of Canon Law)

Premièrement, ce canon n’a vraiment rien d’« incertain » ou de « douteux ». Il dit de façon expresse que tout office devient vacant du seul fait de l’apostasie publique de la Foi catholique, sans que soit nécessaire à cette une déclaration de l’autorité compétente. Qu’y a-t-il d’incertain à cela ?

Deuxièmement, l’affirmation de Salza selon laquelle le canon 188 renvoie aux canons 2314, 2379 et 2388 est tout bonnement fausse. Il est exact que ces canons, ainsi que d’autres, font l’objet de références croisées après le titre « Canon 188 » de l’édition anglaise du Code publiée en 2001 par le Dr Edward N. Peters (en page 83), mais elles ont été ajoutées par celui-ci ; elles ne font pas partie du canon 188 et ne sont pas référencées « dans » ce  dernier ! On s’en assurera aisément en consultant le texte latin original du canon 188 :

« Can 188. Ob tacitam renuntiationem ab ipso iure admissam quaelibet officia vacant ipso facto et sine ulla declaratione, si clericus:

1º Professionem religiosam emiserit, salvo, circa beneficia, praescripto can. 584;

2º Intra tempus utile iure statutum vel, deficiente iure, ab Ordinario determinatum, de officio provisus illud adire neglexerit;

3º Aliud officium ecclesiasticum cum priore incompatibile acceptaverit et eiusdem pacificam possessionem obtinuerit;

 4º A fide catholica publice defecerit;

 5º Matrimonium, etiam civile tantum, ut aiunt, contraxerit;

 6º Contra praescriptum can.141, §1 militiae saeculari nomen sponte dederit;

 7º Habitum ecclesiasticum propria auctoritate sine iusta causa deposuerit, nec illum, ab Ordinario monitus, intra mensem a monitione recepta resumpserit;

8º Residentiam, qua tenetur, illegitime deseruerit et receptae Ordinarii monitioni, legitimo impedimento non detentus, intra congruum tempus ab Ordinario praefinitum, nec paruerit nec responderit. »

Apparemment, M. Salza n’a pas jugé nécessaire ne serait-ce que de consulter le texte original pour vérifier son idée avant de tirer cette salve contre les sédévacantistes ; il lui a semblé suffisant de s’en remettre à l’édition en langue vernaculaire, publiée avec des références croisées dans la marge, car cela servait son propos.

Si le Dr Peters a fait état des canons 2314, 2379 et 2388 sous forme de références croisées (ainsi d’ailleurs que les canons 156, 1444 et 2168), c’est simplement parce que tous ces canons renvoie explicitement au canon 188 d’une manière ou d’une autre, non parce que ce dernier ne peut être compris sans référence à eux ! Salza met donc les choses à l’envers : le canon 188 ne renvoie nullement à ces autres canons, ce sont eux qui renvoient à lui, et telle est la raison d’être des références croisées dont ils font l’objet !

Le manque de familiarité de Salza avec la question sur laquelle il se permet de pontifier devient ainsi cruellement évident. Là encore, on voit que notre avocat du Wisconsin se borne à émettre du vent : sous un vernis d’érudition, il expose des thèses archi-superficielles, et l’on ne saurait donc voir en lui une autorité en la matière. Il apparaît clairement ici que son doctorat en jurisprudence américaine ne l’aide pas le moins du monde dans le domaine dont il traite.

Troisièmement, l’idée de Salza d’après laquelle il faut qu’une « enquête ecclésiastique » détermine l’existence d’une hérésie formelle avant que puisse être connue la renonciation tacite (à propos, qui au juste enquêterait sur le Pape ?) va à l’encontre du fait que selon le canon 188 n. 4, l’office devient vacant dès que l’apostasie de la Foi est publique (si l’on ignore qu’un clerc ne détient pas de façon valide un certain office lorsqu’il ne professe plus publiquement la Foi, quelle est alors la justification de le lui faire perdre ?). Des sources autorisées en matière de droit canonique vont dans le sens de mon propos :

« L’apostasie de la foi doit être publique […] selon la définition de la publicité que donne le canon 2197, n. 1 ».

(Rév. Gerald V. McDevitt, The Renunciation of an Ecclesiastical Office [Washington, D.C.: The Catholic University of America Press, 1946], p. 139)

« Le délit est :

n. 1 « public », s’il est déjà divulgué, ou s’il s'est produit ou se présente dans des circonstances telles qu’on puisse juger avec prudence qu’il doit facilement être divulgué. »

(Canon 2197 n. 1 ; soulignement supprimé.)

« Tout ce qui est nécessaire, c’est que le clerc accomplisse un des actes ou soit responsable d’une des omissions auxquels la loi attache l’effet de renonciation tacite à son office. En réalité, une renonciation tacite ressemble à une privation, mais ne peut y être assimilée du fait de l’appellation que lui donne la loi. »

(McDevitt, Renunciation, p. 113)

« Ainsi, l’apostasie de la foi peut être publique en raison du fait qu’elle est déjà connue d’une partie importante de la communauté. La loi ne prescrit aucun nombre particulier pour définir ce dernier point, l’appréciation du nombre en question étant laissée à la prudence de chacun [ !]. L’apostasie de la foi peut être publique en raison de sa divulgation effective, ou encore du fait que les circonstances obligent à conclure qu’elle sera aisément divulguée dans l’avenir. De la sorte, même si seules quelques personnes bavardes ont été témoins de l’apostasie, ou encore si le seul et unique témoin a été une personne discrète qui menace ensuite de divulguer le délit parce qu’un conflit l’a opposée entre-temps à l’auteur du délit, ce dernier sera public au sens du canon 2197, n. 1. »

(McDevitt, Renunciation, p. 139 ; c’est nous qui soulignons.)

« Les lois, cependant, doivent prendre en considération ce qui se produit d’habitude, ainsi que l’appréciation ordinaire des hommes, et lorsqu’un fait est manifeste, il serait absurde d’attendre d’une autorité quelconque qu’elle affirme ce qui est déjà connu. »

(Mahoney, Priests’ Problems, p. 441)

Cela donne-t-il à entendre que l’on ait besoin d’un procès ou d’un jugement officiel de l’Église afin de pouvoir établir que le clerc en question remplit les conditions requises pour être accusé ou reconnu coupable d’« hérésie publique » ? Certes non. Dans mes recherches sur le canon 188 n. 4, je n’ai rien trouvé – bien au contraire – qui stipule qu’un procès ecclésiastique soit nécessaire pour établir la réalité d’une hérésie publique avant que la renonciation tacite ne se produise ou que l’on puisse savoir que tel a été le cas. Il est donc permis de se demander à quelles sources M. Salza devra se référer pour soutenir son affirmation que des avertissements répétés, un procès ecclésiastique, et que sais-je encore soient nécessaires avant qu’une renonciation tacite ait lieu ou que l’on sache qu’elle a eu lieu. Il lui sera sûrement facile d’en trouver une. S’il n’y parvient pas, il devra admettre que sa thèse repose exclusivement sur l’« autorité » inexistante qui est la sienne dans l’interprétation du droit canonique, non sur ce que les véritables autorités de l’Église ont réellement stipulé.

Quatrièmement, il est hautement instructif d’examiner de près le libellé du canon 188 n. 4, dans lequel l’Église déclare que l’apostasie publique de la Foi entraîne une « renonciation tacite » à la charge en question, renonciation qu’elle ne qualifie pas de privation.

Pourquoi est-ce important ? Regardons la différence de près. Lorsqu’un clerc renonce à sa charge, il l’abandonne, et cette démarche est de son propre fait. La privation, en revanche, consiste – pour l’autorité compétente – à retirer sa charge au clerc concerné ; il s’agit donc d’une démarche accomplie par un tiers, le plus souvent à titre de sanction. Un clerc privé de son office voit donc ce dernier lui être retiré contre sa volonté, ou du moins indépendamment d’elle, alors qu’un clerc qui y renonce agit librement[6].  

Examinons plus attentivement le concept de renonciation :

« La renonciation à une charge peut être expresse ou tacite. La renonciation expresse se fait avec toutes les solennités prescrites par la loi. Le renonciation tacite, en revanche, se fait par une action ou une omission – imputable à l’intéressé – à laquelle la loi attache l’effet d’une renonciation. Dans ce cas, aucune solennité n’est requise ; il suffit que l’intéressé soit responsable de l’action ou de l’omission à laquelle la loi attache l’effet d’une renonciation tacite. L’office en question devient immédiatement vacant sans qu’il soit besoin de la moindre déclaration de la part du supérieur. Le canon 188 contient une liste exhaustive des actions et omissions entraînant la renonciation tacite à une charge. »

(McDevitt, Renunciation, p. 9)

Un clerc qui apostasie publiquement la Foi renonce donc ipso facto à sa charge. Comme son apostasie publique de la Foi, cette renonciation est de son propre fait, bien qu’elle soit automatique et découle nécessairement de ladite apostasie. Par conséquent, il est impossible d’apostasier publiquement la Foi sans perdre son office par le fait même, et c’est fort logique dans la mesure où il nécessaire à l’unité de l’Église que tous ceux qui occupent une charge en son sein professent la même Foi. (Cela devrait pourtant aller de soi !)

Ce qui vaut particulièrement la peine d’être noté, c’est que tout clerc peut renoncer à sa charge (de façon expresse ou tacite), y compris le Pape. Le R.P. Henri Ayrinhac, professeur de droit canonique et de théologie morale au séminaire, précise bien que la règle en vertu de laquelle un clerc peut renoncer à sa charge « s’applique à tous les offices, du plus bas au plus élevé, sans excepter le Pontificat suprême » (Très R.P. H. A. Ayrinhac, General Legislation in the New Code of Canon Law [New York, NY: Blase Benziger & Co., Inc., 1923], p. 346) ; quant au canon 221, il évoque – lui aussi – une renonciation expresse à la charge pontificale.

En fait, la compréhension du canon 188 n. 4 ne soulève pas la moindre difficulté. Ce qui n’empêche pas John Salza d’essayer de nous faire croire qu’en dépit de la clarté de ce texte et des commentaires sur le droit canonique, nous ne pouvons identifier un hérétique public en l’absence d’une enquête ecclésiastique. Il poursuit son essai en émettant les affirmations suivantes, qui sont dénuées de tout fondement (rappelez-vous qu’il vient de nous dire que nous devons interpréter le canon 188 à la lumière du canon 2314) :

« Le canon 1214.1-2 est ainsi rédigé : “Tous les apostats de la foi chrétienne, tous les hérétiques ou schismatiques et chacun d’eux :

n1) encourent par le fait même une excommunication ;

n2) si après monition, ils ne viennent pas à résipiscence, qu’on les prive de tout bénéfice, dignité, pension, office ou autre charge, s’ils en avaient dans l’Église, et qu’on les déclare infâmes; après deux monitions, ceux qui sont clercs doivent être déposés.” »

« Alors que le canon 188.4 dit qu’un office devient vacant lorsque son titulaire apostasie publiquement, le canon 2314.2 impose que l’intéressé reçoive une monition formelle suivie de son refus obstiné de venir à résipiscence avant que son apostasie publique puisse être établie. Cette monition sert à démontrer si l’hérésie est notoire et pertinace et, dans le cas contraire, si une enquête spéciale (selon le canon 1939.1) et une sentence déclaratoire (selon le canon 2223.4) s’imposent. Or, les sédévacantistes « foncent tête baissée » en déclarant (sans aucune autorité pour le faire) qu’il y a « apostasie publique » au sens du canon 188.4, sans accorder la moindre considération à l’impératif de monitions répétées énoncé par le canon 2314.2. Or, le droit canon lui-même impose d’interpréter le canon 188.4 à la lumière du canon 2314.2. Alors que le premier expose la conséquence de l’hérésie publique (perte d’office), le second – entre autres canons – énonce les procédures à suivre pour établir l’existence d’une hérésie publique. »

(Salza, « Présomption », p. 3 ; italiques et soulignement de l’auteur.)

Malheureusement pour M. Salza, comme on l’a déjà signalé dans la première partie des présentes réfutations, les cardinaux sont exempts de la loi pénale (voir canon 2227), de sorte qu’il ne peut en aucun cas arguer du canon pénal 2314 pour soutenir sa thèse ; une fois de plus, il montre son ignorance de ce dont il parle.

Mais laissons de côté cette considération pour le moment. L’argument de Salza est tout simplement faux : le canon 188 n. 4 n’exige pas que l’hérésie publique soit établie par un jugement ecclésiastique après que des monitions ont été émises et ignorées. Salza confond la perte de l’office par renonciation tacite due à une apostasie publique avec les peines imposées par l’Église pour une telle apostasie.

Or, ce sont là deux choses complètement différentes. Le canon 188 figure dans le Code sous le Livre second, première partie : « Des clercs » (voir Peters, The 1917 Pio-Benedictine Code of Canon Law, p. 61), tandis que le canon 2314 y figure dans le Livre quatrième, troisième partie : « Des peines prévues pour chaque délit » (ibid., p. 735). Il existe une raison à cela, car la renonciation tacite pour hérésie publique prévue dans le canon 188 n. 4 ne constitue pas – en soi – une peine (bien qu’elle en produise assurément les effets) ; elle est simplement une conséquence inévitable de l’apostasie publique de la Foi. Les citations suivantes, qui font autorité, viennent à l’appui de mon propos et montrent que John Salza est passé entièrement à côté de la question :

«  Il est absolument évident qu’une distinction est faite entre la menace de peine ou la peine elle-même [canon 2314], d’un côté, la renonciation tacite [canon 188], de l’autre. Nulle part dans le Code la renonciation tacite n’est qualifiée de peine. »

(McDevitt, Renunciation, p. 116)

«  L’auteur étant d’avis qu’une renonciation tacite n’est pas en soi une peine, il estime également que les prescriptions du canon 2229 concernant les causes d’excuse des peines latae sententiae ne s’appliquent pas au cas de renonciation tacite à un office de la part d’un clerc qui a commis l’acte mentionné dans le canon 188, n. 4 [c’est-à-dire l’apostasie de la Foi]. L’auteur considère donc que même s’il était impensable qu’un clerc soit excusé de l’excommunication prévue pour l’apostasie de la foi aux termes du canon 2229, § 3, n. 1, ledit clerc perdrait son office par renonciation tacite. »

(McDevitt, Renunciation, pp. 139-140 ; italiques de l’auteur.)

Pour que la citation suivante soit appréciée comme elle le mérite, il faut commencer par citer le texte du n. 3 du canon 2314 § 1 : « S’ils ont donné leur nom à une secte non catholique ou y ont publiquement adhéré, ils sont infâmes par le fait même ; en tenant compte de la prescription du canon 188 n. 4, que les clercs, après une monition inefficace, soient dégradés. » Voyons à présent ce que l’abbé Charles Augustine, canoniste renommé (par opposition au peu renommé pseudo-canoniste John Salza) a eu à dire sur cette partie du canon 2314 :

« Un clerc doit, en outre, être dégradé si, après avoir été dûment averti, il persiste à être membre d’une telle société [non catholique]. Tous les offices qu’il occupe deviennent vacants ipso facto, sans autre déclaration. Comme il s’agit là d’une renonciation tacite reconnue par la loi, la vacance en question est donc à la fois de facto et de jure [c’est-à-dire effective aussi bien en droit que dans les faits]. »

(Augustine, A Commentary on the New Code of Canon Law, vol. VIII, p. 280 ; italiques en partie modifiées.)

Là encore, les commentateurs autorisés du droit canonique (dont on se demande pourquoi Salza n’a pas consulté les écrits) contredisent la position de l’auteur, puisqu’ils observent un silence assourdissant sur la prétendue nécessité d’un procès ecclésiastique pour l’établissement d’une apostasie publique de la Foi !

Il est vrai que McDevitt qualifie son point de vue de simple « opinion », mais cette dernière a beaucoup plus de poids que tout ce qu’avance Salza, qui n’a même pas reçu de formation en droit canonique traditionnel et qui, loin de qualifier d’opinion son propre point de vue, nous l’assène comme parole d’Évangile sans l’appuyer sur la moindre autorité. Dans ces conditions, qui choisiriez-vous comme source autorisée ? Un avocat laïc de Milwaukee dont l’intention est d’excuser à toute force son client moderniste Joseph Ratzinger, quelque absurde que soit sa défense et quelque douteuse que soit son « érudition », ou bien un canoniste des années quarante, qui – dûment formé – savait de quoi il parlait et vivait avant notre folle époque, donc à l’abri de tout préjugé concernant le sédévacantisme ?

L’idée selon laquelle le canon 188 n’est pas de nature pénale trouve un soutien également chez le canoniste Matthaeus Conte a Coronata (voir McDevitt, Renunciation, pp. 115-116). Voici ce que McDevitt écrit à ce sujet :

« La renonciation tacite ne saurait être considérée comme une peine infligée à un clerc ayant fait une profession religieuse (laquelle entraîne, selon le canon 188, n. 1, une telle renonciation), car l’acte en question ne présente assurément rien qui mérite une peine. »

(McDevitt, Renunciation, p. 116)

C’est important, car si la renonciation tacite n’est pas une peine ecclésiastique, mais représente simplement une conséquence implicite, quoique nécessaire, de l’apostasie publique (due à l’incompatibilité foncière entre l’appartenance à l’Église et la non-profession de la vraie Foi), alors les cardinaux sont bel et bien assujettis au canon 188, ce dont McDevitt lui-même fait la remarque :

« Cette discussion visait directement à démontrer que les cardinaux étaient assujettis aux prescriptions du canon 188. En même temps, l’exposition des arguments avait pour objet supplémentaire de préciser que dans ce canon, la loi n’imposait pas une peine, mais admettait plutôt de percevoir les actes spécifiés comme équivalant à une renonciation tacite de l’intéressé à son office. On peut noter également, ici, qu’une renonciation tacite et une privation d’office sont deux choses très semblables, mais que la loi les a néanmoins toujours rangées dans deux catégories différentes. »

(McDevitt, Renunciation, p. 117)

Il est utile également de signaler que l’intention expresse d’un clerc hérétique de conserver son office ne saurait s’opposer à la renonciation tacite, qui se produit automatiquement et – au besoin – contre la volonté de l’intéressé :

« La vacance de l’office découle automatiquement de l’accomplissement d’un tel acte, même si l’intéressé manifeste son intention de conserver son office au moment où il accomplit l’acte en question. La renonciation tacite a lieu en dépit de toute intention contraire de l’intéressé. »

Voilà pourquoi la renonciation tacite ressemble à une peine et produit l’effet d’une peine, alors qu’elle n’est en réalité que la conséquence nécessaire de l’acte volontaire accompli par le clerc en apostasiant la Foi.

Les canonistes T. Lincoln Bouscaren et Adam C. Ellis conviennent, eux aussi, que la renonciation tacite n’est pas une peine, et ils l’en distinguent même explicitement :

« La privation [d’office] se fait par application de la loi : a. dans les cas de renonciation tacite […] en vertu du canon 188 ; b. dans certains cas où la loi assimile la privation d’office à une peine, par exemple en cas de sentence d’excommunication… »

(Bouscaren and Ellis, Canon Law, p. 129 ; italiques supprimées)

Tout cela est entièrement conforme au sens commun, surtout si l’on considère la raison pour laquelle il y a des offices dans l’Église : « L’objet d’un office ecclésiastique a toujours été d’aider l’Église à atteindre ses fins, c’est-à-dire le salut éternel des hommes » (McDevitt, Renunciation, p. 1). N’importe qui peut comprendre qu’un tel objet perdrait toute réalité s’il était possible à un hérétique public ou à un apostat public d’occuper validement un office au sein de l’Église :

« Étant donné qu’il ne serait pas seulement incongru qu’une personne ayant publiquement apostasié la foi conserve un office ecclésiastique, mais qu’en outre, une telle éventualité nuirait gravement aux âmes, le Code prescrit qu’un clerc renonce tacitement à son office lorsqu’il apostasie publiquement la foi. »

(McDevitt, Renunciation, p. 136)

Le fond du problème, c’est qu’on ne peut renier publiquement sa Foi tout en conservant un office ecclésiastique, de même qu’on ne peut être en même temps célibataire et marié. Il est malheureux que cela ne cadre pas avec la conception que Salza a de la réalité, mais c’est pourtant vrai.

Résumons-nous, M. Salza : vous venez de nous fournir d’excellents arguments pour affirmer que le canon 188 n’est pas de nature pénale : quelles preuves du contraire avez-vous à avancer ?… Hep, Maître, vous êtes toujours là ?…

Un dernier point à préciser avant de poursuivre est que le canon 2314 expose les peines qu’encourent en général tous les hérétiques, schismatiques et apostats, et non pas seulement ceux qui ont apostasié publiquement la Foi (le canon parle, en effet, de « tous les apostats de la foi chrétienne, tous les hérétiques ou schismatiques et chacun d’eux » [§ 1]. Cependant, il est tout à fait possible qu’un clerc soit un hérétique non public (c’est-à-dire « secret ») et que l’ordinaire du lieu l’apprenne. Dans un tel cas, le clerc en question ne renonce pas publiquement à son office, car son apostasie de la Foi n’est pas publique (cf. canon 188 n. 4). Toutefois, le canon 2314 prévoit les moyens de le punir en conséquence, et cette punition comprend la privation « de tout bénéfice, dignité, pension, office ou autre charge », jusqu’à la déposition, la différence étant que tout cela se produit non pas tacitement et automatiquement (comme en vertu du canon 188 n. 4), mais par suite d’un jugement punitif. D’autre part, le canon 2314 § 1 n. 3 précise bien que s’il y a eu apostasie publique, la renonciation tacite prévue par le canon 188 n. 4 entre automatiquement en jeu (en tenant compte de la prescription du canon 188 n. 4), et le clerc en question est alors puni d’une dégradation, sanction la plus sévère pouvant être infligée à un clerc.

Le Père Ayrinhac décrit ainsi les différents types de sanctions :

« Par la déposition, un clerc est définitivement privé de tout office, bénéfice, dignité, pension et fonction ecclésiastique et doit renoncer à toute perspective de les retrouver à l’avenir […]

« La déposition suppose davantage que la suspension ou la privation de l’office, mais elle est moins grave que la dégradation. Elle retire l’office ou son bénéfice, comme le fait la privation, et non pas seulement le droit d’exercer certains pouvoir tels que la suspension ; en outre, elle crée un empêchement de toute promotion future. Toutefois, contrairement à la dégradation, elle ne prive pas l’intéressé de ses privilèges cléricaux.

« […] La dégradation inclut la déposition, la privation définitive de l’habit ecclésiastique et la réduction du clerc à l’état laïc, ce qui suppose la perte des privilèges cléricaux […] L’intéressé conserve les pouvoirs que lui ont conférés son ordination et peut les exercer validement, mais non pas licitement ; et il reste tenu d’observer la règle du célibat ainsi que de réciter l’Office divin. »

(Très R.P. H.-A. Ayrinhac, Penal Legislation in  the New Code of Canon Law [New York, NY: Benzinger Brothers, 1920], pp. 163, 165-166)

Là encore, nous rappelons que le canon 188 n. 4 parle de renonciation tacite à l’office du clerc concerné – non de déposition, de privation ou de dégradation –, ladite renonciation étant simplement ce que nécessite l’apostasie publique ; il ne s’agit donc pas, en soi, d’une sanction. Par conséquent, la position de John Salza ne trouve pas le moindre soutien dans les enseignements de l’Église, le droit canonique ou même le sens commun. C’est pourquoi l’auteur ne peut vraiment citer aucune source à l’appui de ses dires et en est réduit à interpréter de travers les quelques citations qu’il se hasarde à faire.

On est certes en droit de se demander s’il n’y a pas un facteur de chaos dans le fait qu’une apostasie publique suffise à elle seule pour faire perdre son office à un clerc en l’absence de tout jugement ecclésiastique. Cette question a reçu ailleurs une réponse fort pertinente que l’on me permettra de citer :

« Le résultat n’offre pas un argument valable dans une matière gouvernée par la loi divine. Ce que Dieu a établi, Il l’a établi. Mais si l’on estime que le résultat a un rapport avec la vérité dans le domaine considéré, on est amené à retourner l’argument.

« Lisons saint Thomas, S. Th., II-II, Q. 12, art. 1, ad. 2 : “Le résultat est qu’il [un apostat] sème la discorde, s’efforçant de couper autrui de la foi tandis qu’il s’en coupe  lui-même”. Cela vaut également pour les schismatiques et les hérétiques. La vérité, c’est que lorsque des ennemis du Christ sont traités comme les pasteurs du troupeau, il en résulte le chaos. C’est pour cela qu’existe le canon 188 § 4 : afin de protéger la Sainte Église des ravages d’hérétiques occupant apparemment des positions d’autorité. Notre propre expérience nous dit que c’est vrai, que le chaos règne à présent, ce qui peut être imputé au fait que depuis le début de la crise, les catholiques s’abstiennent de rejeter les hérétiques avec leur hérésie.

« Il demeure exact qu’un certain désordre découle forcément de l’inaction de l’autorité. Ce n’est que très naturel dans la mesure où l’autorité a justement pour rôle d’assurer l’ordre. Ce n’est pas une solution de traiter des hérétiques comme les pasteurs légitimes des fidèles ; on ne fait même ainsi qu’aggraver le désordre. Cela revient également à ne pas agir selon la vérité, pour le profit exclusif d’une fiction juridique. »

(John Lane, « The Loss of Ecclesiastical offices : I Holy Church Unprotected ? », Réponse à l’Objection 4 : http://www.sedevacantist.com/offices.html ; italiques de l’auteur.)

En d’autres termes, si l’on oppose à la réalité sédévacantiste par peur du « chaos », accepter comme légitime l’église Conciliaire moderniste n’est peut-être pas la voie que l’on aurait besoin d’emprunter pour autant, d’abord parce que la présence ou l’absence de chaos n’est pas un indicateur de vérité, ensuite parce que l’église Conciliaire est de toutes manières le plus grand producteur de chaos théologique que l’on puisse rencontrer sous l’étiquette « catholique ».

Après avoir longuement examiné les aspects théoriques de la perte d’office par un clerc ayant apostasié la Foi, il nous faut étudier aussi certains des aspects pratiques de cette vérité consolante ; consolante, elle l’est dans la mesure où elle signifie qu’aucun hérétique ou apostat ne peut occuper validement un office dans l’Église, même s’il est matériellement titulaire de ce dernier (c’est-à-dire s’il occupe physiquement l’église ou l’autre édifice où s’exerce l’office en question, ou encore s’il doit se présenter en public comme seul titulaire dudit office).

Songez un peu aux scénarios absurdes que l’idée de John Salza aurait créés à l’époque de la Réforme protestante ; si tous les clercs ayant apostasié en faveur du protestantisme avaient dû être jugés et condamnés un à un par des tribunaux ecclésiastiques avant que quiconque sache qu’ils avaient perdu leurs offices catholiques respectifs, il est probable que ces tribunaux siégeraient encore aujourd’hui ! Imaginez le temps que cela aurait pris de faire comparaître tous les témoins à charge et à décharge ! La présomption d’innocence (découlant de l’étrange droit canonique de Salza) aurait permis à chaque prévenu de se carrer confortablement au fond de son banc et de faire la nique au juges en lui disant : « Non, non, vous ne pouvez pas me condamner déjà ! Mon oncle Marcel et ma tante Raymonde vont arriver d’un moment à un autre pour témoigner en ma faveur : ils vous assureront que j’ai agi sous l’effet de telle ou telle inadvertance non coupable ! »

Si les choses s’étaient passées ainsi, l’Église aurait été pratiquement réduite à l’impuissance vis-à-vis des hérétiques !

De même, le fait qu’un hérétique public perd son office ecclésiastiques et que cela peut être connu aussitôt de tous a revêtu une grande importance pratique dans l’Angleterre du seizième siècle, lorsque la quasi-totalité de la hiérarchie catholique de ce pays a apostasié le catholicisme en faveur de la nouvelle religion anglicane. Sans que la moindre déclaration et le moindre procès fussent nécessaires, tous ces apostats cessèrent d’occuper leurs offices respectifs : autrement dit, dès l’instant où ils apostasièrent, tout ce qu’ils faisaient jusqu’alors dans leurs diocèses, abbayes, paroisses et autres fut frappé d’invalidité et perdit la reconnaissance de l’Église catholique. Ainsi se virent-ils dépouillés de toute la force de leurs pouvoirs non seulement par la loi divine, mais aussi par la loi de l’Église. Et comme le renoncement à leur office prit effet « du fait [même] » (« ipso facto ») de leur apostasie publique de la Foi, donc sans qu’il y faille aucune déclaration de l’Église, ils ne purent se cacher derrière l’absence d’un jugement ecclésiastique. Deo gratias !

Il en va toujours de même aujourd’hui, sauf que nous avons désormais affaire à des usurpateurs modernistes, non à des anglicans. C’est là tout l’objet du canon 188 n. 4. Et c’est pourquoi John Salza ne saurait s’être trompé davantage dans son « explication » superficielle de ce que signifie ce canon. Alors, M. Salza, qui fait montre ici d’« un manque de compréhension de la loi divine comme du droit canonique » ?

            13. Monition par-ci, monition par-là

Dans le droit fil de son « interprétation » négligée des canons 188 et 2314, John Salza poursuit son essai en demandant comment il a été procédé, dans le cas des « Papes » postérieurs à Pie XX, aux « monitions » qu’évoque le canon 2314 :

« Qui a averti le pape ? Quand ? Au sujet de quelles doctrines ? Quelle a été la réponse du pape ? Le pape a-t-il eu l’occasion de s’expliquer ? Le pape avait-il l’intention de s’écarter des enseignements de l’Église ? »

(Salza, « Présomption », p. 3)

Au chapitre 12 ci-dessus, nous avons amplement démontré la fausseté de l’idée émise par Salza selon laquelle une monition canonique est requise avant qu’un clerc ne perde son office pour apostasie publique de la Foi. S’il nous faut nous pencher sur les questions rhétoriques de l’auteur concernant le point de savoir qui a averti le Pape et quand, etc., c’est parce que nous constaterons ainsi son incroyable méconnaissance de l’histoire récente de l’Église. Il semble ignorer que Paul VI, Jean-Paul II et le « cardinal » Joseph Ratzinger ont été bel et bien avertis et contrés par l’abbé Georges de Nantes (1924-2010), qui était un prêtre français non sédévacantiste ! Bien que ce prêtre soit aujourd’hui décédé, ses « Livres d’Accusation » contre Paul VI, Jean-Paul II et « l’Auteur du Nouveau Catéchisme » sont toujours disponibles en ligne sur le site de la Contre-Réforme Catholique :

http://www.crc-resurrection.org/1022-liber-accusationis-in-paulum-sextum.html

http://www.crc-resurrection.org/1042-liber-accusationis-secundus.html

http://www.crc-resurrection.org/1060-livre-d-accusation-pour-heresie-a-l-encontre-de-l-auteur-du-pretendu-catechisme-de-l-eglise-catholique.html

Ces trois « livres d’accusation » ont été remis au Vatican en 1973, 1983 et 1993 respectivement, en présence de 510 délégués au total. Comme le catéchisme conciliaire de 1992 porte le potest imprimi du « cardinal » Joseph Ratzinger, il n’est pas abusif de voir dans celui-ci – littéralement ou figurativement – l’auteur principal du néo-catéchisme en question.

Donc, pour répondre à la première question de M. Salza « Qui a averti le Pape ? », c’est l’abbé de Nantes qui s’en est chargé. Quant à la deuxième question « Quand ? », la réponse est : « en 1973, 1983 et 1993 ». La troisième question trouve sa réponse dans chacun des trois livres.

Concernant enfin la quatrième question « Quelle a été la réponse du pape ? », disons… qu’elle n’a pas été vraiment réjouissante (pas possible ? ). Mais que l’on ne me croie pas sur parole. C’est l’abbé de Nantes lui-même qui raconte comment les choses se sont passées :

« Le mois dernier (avril 1973, n° 38), je vous ai parlé de notre voyage à Rome et de notre tentative infructueuse d’obtenir une audience auprès du Pape afin de lui remettre le Livre contenant notre accusation contre lui « d’hérésie, de schisme et de scandale ». Ce livre, connu aussi comme étant le « libelle », a été quand même transmis par deux de nos bons amis, en deux occasions distinctes, le première fois le 10 avril à Mgr Martin, la seconde fois lors de l’audience publique, lorsqu’il a été placé entre les mains du Saint-Père lui-même, devant les yeux de toute la foule des pèlerins. Le fait que Sa Sainteté et Mgr Martin ont tous deux refusé de le recevoir quand il leur a été ainsi donné ne change strictement rien à la situation, si ce n’est qu’il met encore mieux en lumière la situation dans laquelle nous sommes.

[…]

« En l’occurrence, voici ce qui c’est passé : le Pape n’a voulu ni nous recevoir, ni déléguer quelqu’un pour le faire. Il n’a même pas voulu donner à la garde suisse mission de nous encadrer ; il s’est borné à nous envoyer quelques policiers en civil, qui ont agi en l’espèce avec désinvolture, en l’absence de toute instruction officielle émanant d’une autorité légale. Le tout ayant pour seul but d’éviter que nous puissions transmettre le livre. Bien que, pris par surprise, le Pape fût amené à tenir provisoirement le livre dans ses mains sans avoir consenti à le recevoir, il s’en dessaisit immédiatement [Ah, s’il s’était agi du Coran !… Gregorius]. Depuis lors, l’accusation est semblable à une grenade dégoupillée que son destinataire a rejetée au loin. C’est là qu’elle explose à ciel ouvert et où tous peuvent entendre son message : le Pape Paul VI est coupable d’hérésie, de schisme et de scandale ! Et il le sait, il n’a pas besoin d’ouvrir le livre pour savoir ce que contient ce dernier. Il n’essaye pas de le désamorcer, sachant qu’il lui serait impossible de prouver que nos allégations ne sont pas fondées… Ce serait trop facile de laisser entendre qu’il juge en dessous de sa condition d’accorder la moindre pensée à cette question. »

(R.P. Georges de Nantes, « La Contre-Réforme Catholique au XXème siècle », mai 1973, http://www.crc-internet.org/may73.htm)

Point n’est besoin de répondre aux autres questions de Salza, car il est si peu au courant des sujets sur lesquels il pontifie que l’on peut dégonfler jusqu’à ses questions purement rhétoriques en lui apprenant qu’il y a belle lurette qu’elles ont reçu une réponse.

Mais même en laissant cela de côté pour le moment, il est des questions hautement gênantes auxquelles M. Salza devra répondre avant longtemps : et pour commencer, qui aurait l’autorité nécessaire pour adresser une monition canonique au Pape, sachant qu’il est la plus haute autorité sur terre et n’a donc aucun supérieur humain ? Qui déciderait si la réponse du Pape suffit à écarter de lui l’accusation d’apostasie publique de la Foi ? Qui déciderait s’il a « l’intention de s’écarter des enseignements de l’Église » ? Bref, qui seront son juge ?

L’idée de Salza selon laquelle toute la procédure canonique d’établissement des cas d’hérésie et de pertinacité pourrait éventuellement s’appliquer à un Pape authentique est aussi effrayante qu’absurde. En fait, l’idée même qu’un Pape puisse être jugé par d’autres cardinaux ou évêques, ou même par un concile, est une pure hérésie.

« Parce que le droit divin de la primauté apostolique place le Pontife romain au-dessus de toute l’Église, nous enseignons et déclarons encore qu’il est le juge suprême des fidèles et que, dans toutes les causes qui touchent à la juridiction ecclésiastique, on peut faire recours à son jugement. Le jugement du Siège apostolique, auquel aucune autorité n’est supérieure, ne doit être remis en question par personne, et personne n’a le droit de juger ses décisions. C’est pourquoi ceux qui affirment qu’il est permis d’en appeler des jugements du Pontife romain au concile œcuménique comme à une autorité supérieure à ce Pontife, s’écartent du chemin de la vérité. »

(Concile du Vatican, Constitution dogmatique Pastor Aeternus, Ch. 3, par. 8 http://nouvl.evangelisation.free.fr/pastor_aeternus.htm)

Par conséquent, l’idée même que quelqu’un soit seulement en mesure d’émettre une véritable monition à l’encontre du Pape, et plus encore d’essayer de le juger, est à la fois hérétique et impensable. Quelle mouche a donc piqué Salza ??

Pire encore, Salza nous ressert l’incident évoqué dans Galates 2 :11 et déjà commenté au chapitre 4 ci-dessus, lors duquel saint Paul a repris saint Pierre :

« Ainsi que le révèle l’Écriture, saint Paul a publiquement reproché à saint Pierre son comportement qui semblait contredire le dogme de la Foi, et saint Pierre a répondu favorablement à ce reproche. Or, saint Pierre n’a pas été présumé avoir perdu son office. »

(Salza, « Présomption », p. 3 ; italiques de l’auteur)

Tout se passe comme si Salza voulait nous faire croire que saint Paul a émis à l’adresse de saint Pierre l’équivalent d’une « monition » canonique l’accusant d’hérésie ! Or, comme on l’a vu au chapitre 4 ci-dessus, rien ne saurait être plus éloigné de la vérité. Saint Paul s’est contenté d’exercer une correction fraternelle afin de remédier à l’imprudence potentiellement scandaleuse commise par saint Pierre en quittant les convertis de la gentilité pour aller dîner avec des convertis juifs. Cela n’avait absolument rien à voir avec une quelconque négation de la Foi ou la « monition » d’un évêque à l’adresse d’un Pape hérétique.

Il est très révélateur que John Salza éprouve le besoin de se lancer dans des tentatives aussi superficielles pour soutenir sa cause. Manifestement, il n’a rien trouvé de mieux que cela. Si sa cause tenait vraiment la route, il pourrait se borner à citer des écrits catholiques, des saints, des Papes, etc., en commentant tel passage et en formulant telle remarque. Mais il ne peut s’appuyer sur rien de solide et doit donc s’en remettre à ses propres interprétations du droit canonique comme de l’Écriture Sainte.

            14. Un épouvantail théologique

Arrivé à ce point, Salza réitère son défi « Prouvez-moi qu’il est pertinace ! » :

« Si le sédévacantiste veut ignorer les lois ecclésiastiques en matière d’imputabilité canonique, il se retrouve acculé à prouver l’imputabilité morale du pape en jugeant des dispositions de celui-ci au for interne. Or, la chose est impossible. Par exemple, un pape peut avoir une réserve mentale quand il fait une déclaration hérétique (ce qui signifie, là encore, qu’émettre une hérésie en public n’équivaut pas toujours à une “hérésie publique”). Cela renvoie donc notre sédévacantiste au droit ecclésiastique, lequel impose des enquêtes, des monitions et des sentences déclaratoires pour déterminer le niveau de culpabilité du pape. »

(Salza, « Présomption », p. 3)

Il ne fait aucun doute que notre avocat pseudo-canoniste pense avoir remporté là un combat par K.O. Mais nous allons riposter pas à pas.

Premièrement, comme on l’a démontré, le sédévacantiste n’ignore pas « les lois ecclésiastiques en matière d’imputabilité canonique ». Il reconnaît simplement, d’une part que l’apostasie publique de la Foi est objectivement repérable en l’absence d’un jugement de l’Église (par exemple lorsqu’un « Pape » invite des adorateurs du démon à prier pour la paix ou enseigne que l’Église a changé de nature [!], il n’est pas exagéré de conclure à une « apostasie publique de la Foi »), d’autre part que cette défection publique aboutit automatiquement à la perte de l’office ecclésiastique, en vertu du canon 188 n. 4. C’est ainsi que par la loi divine, l’Église se protège contre les hérétiques cherchant à se faire passer pour des autorités catholiques.

Deuxièmement, si Salza possédait la moindre lumière sur l’application des principes du droit canonique en l’espèce, il saurait que la loi de l’Église n’autorise par une présomption d’ignorance quant à ce qu’il importe de savoir pour exercer correctement un office ecclésiastique. Nous avons déjà vu la citation suivante, qui mérite d’être réitérée :

« Par exemple, l’ignorance n’est pas à présumer de la part que quelqu’un qui est versé en droit, ou encore de la part de quelqu’un qui occupe certaines fonctions, vis-à-vis de ce qui relève de ces dernières. C’est pourquoi, également, même si l’ignorance est démontrée dans de tels cas, elle sera jugée crasse et inexcusable. »

(Swoboda, Ignorance, pp. 185-186)

Prends ça ! Même si l’ignorance était démontrée, elle serait donc considérée comme crasse par la loi de l’Église, terme technique signifiant en gros « dû à l’insouciance et au manque d’effort pour trouver une vérité facile à établir » (voir ibid., pp. 146-148). Ce n’est pas parce qu’on ignore quelque chose que cette ignorance n’est pas coupable (trop souvent, les gens croient que l’ignorance est toujours innocente, alors que ce n’est pas le cas). L’ignorance crasse est un manque de connaissance dû au non-accomplissement fautif par l’intéressé du devoir pourtant léger qui lui incombait.

Il s’avère donc à nouveau que Salza se trompe, montrant ainsi qu’il n’a pas la plus petite idée de la question sur laquelle il pontifie avec tant de superbe. Si quelqu’un méprise les lois de l’Église, c’est bien notre avocat de Milwaukee.

Troisièmement, Salza a le front d’utiliser le truc éculé de la « réserve mentale » en écrivant : « un pape peut avoir une réserve mentale quand il fait une déclaration hérétique » Une affirmation aussi stupide, faite de manière aussi irréfléchie, ne peut être le fait que d’un avocat essayant de défendre un moderniste. (Qui pourrait imaginer une telle énormité sous la plume, par exemple, d’un saint Robert Bellarmin, d’un saint Pie X, d’un Cardinal Billot ou d’un Mgr Joseph Fenton ?)

Pour comprendre à quel point Salza a raté son coup en invoquant cette notion, voyons brièvement ce que c’est au juste que la réserve mentale et quand il est permis (ou non) d’y recourir :

« Une réserve mentale au sens strict est invoquée lorsque la véritable signification du propos concerné ne peut en aucun cas être déduite des circonstances extérieures, par exemple lorsqu’on dit : “Je n’ai pas volé” en ajoutant mentalement : “avec la main gauche, mais avec la droite”.

Il y a réserve mentale au sens large si la véritable signification du propos concerné peut être déduite soit des circonstances de la question ou de la réponse, soit de l’usage ordinaire, même si une telle déduction est impossible dans les faits ; que l’on songe aux phrases conventionnelles polies telles que « Madame n’est pas chez elle » pour dire « Madame n’est chez elle pour personne ».

[…] La réserve mentale au sens stricte est tout aussi interdite que le mensonge lui-même.

[…] La réserve mentale au sens large est permissible ; elle est même parfois obligatoire, à condition qu’il existe une raison suffisante pour en user et que celui qui pose la question n’ait aucun droit de connaître la vérité. »

(Rév. Heribert Jone, Moral Theology, 18th ed. [1961], trans. and ad. by Rev. Urban Adelman [Rockford, IL: TAN Books, 1993], p. 249; italiques de l’auteur.)

On voit donc bien que Ratzinger ne peut légitimement se cacher derrière le paravent de la réserve mentale, parce que pour commencer, une réserve mentale qui résulte en l’expression d’une hérésie (comme le fait de dire « il n’y a pas de purgatoire… » en ajoutant in petto « … pour les damnés ») constituerait manifestement une réserve mentale au sens strict et ne serait donc pas permissible ; mais même s’il s’agissait d’une réserve mentale au sens large, Ratzinger n’aurait aucune « raison suffisante » et légitime d’y recourir, et le grand public a assurément le droit de connaître la vérité, c’est-à-dire ce que croit et confesse l’intéressé en tant que Chef supposé de l’Église catholique et Maître universel de tous les chrétiens.

La tactique de Salza  consistant seulement à hurler « Réserve mentale ! » dans l’espoir de neutraliser toutes les preuves d’hérésie est donc sans effet. Elle a cependant le mérite de mettre en lumière la piètre défense déployée par l’auteur. Il essaye de faire croire que si Ratzinger disait partout en public « Le Paradis n’existe pas », on ne saurait pas pour autant s’il est un hérétique public, parce qu’à notre insu à tous, il pourrait secrètement y ajouter la réserve mentale : « … en ce monde ». (Voilà ce que serait censé faire, dans l’idée de Salza, un tribunal-fondé-à-juger-le-Pape : déterminer si celui-ci a effectivement usé d’une réserve mentale. Il est probable qu’une telle instance ne permettrait pas au « Pape défendeur » d’user d’autres réserves mentales lors de son audition, bien que là encore, on ne voit guère qui, dans l’esprit de Salza, aurait l’autorité requise pour « juger le Pape »… sans le juger, bien entendu.)

… Cette pitoyable tentative de piégeage peut-elle vraiment passer pour un exercice de théologie catholique sérieux ?

Pour l’essentiel, l’argument en question reproduit l’assertion antérieure de Salza selon laquelle il est impossible de dire si Ratzinger est un hérétique public même s’il répand publiquement l’hérésie, parce qu’après tout – allez donc savoir ! – peut-être est-il seulement en train de mentir au sujet de ce qu’il croit. (Et c’est vrai : depuis 1958, il n’y a eu aucun hérétique au Vatican ; il ne s’y est trouvé qu’une bande de menteurs catholiques traditionnels. Voir le chapitre 9 – Le Roi qui ment – pour plus d’informations à ce sujet.)

Usant de son juridisme d’avocat, Salza reporte toute la charge de la preuve sur les victimes de l’hérésie publique ; les coupables ? Connais pas. Que tout cela est commode pour les modernistes ! (Si seulement Martin Luther avait eu Salza pour avocat ! Il discuterait encore aujourd’hui avec le Pape Léon X !) Mais comme on l’a vu, la loi de l’Église place la charge de la preuve sur le coupable, non sur l’accusation.

            15. Il y a ignorance et ignorance

Ensuite, Salza prétend que si l’on veut bien laisser de côté la loi de l’Église (qu’il a complètement massacrée à notre intention, merci à lui), on est amené à présumer de l’état d’âme du Pape :

« Bien entendu, il est ridicule de s’arroger le pouvoir de déterminer le niveau de malice ou le manque d’ignorance par un acte de jugement privé. C’est là ce que dit l’Église. Affirmant la vérité objective de la Foi catholique, mais tenant compte de ceux qui ne la comprennent pas ou la rejettent par ignorance, le Bienheureux Pie IX a écrit : « Mais qui osera s’arroger le droit de marquer les limites d’une telle ignorance, en tenant compte des conditions diverses des peuples, des pays, des esprits, et de l’infinie multiplicité des choses humaines ? […] chercher à pénétrer plus avant n’est pas permis » [Pie IX, Singulari quadam ; Denz. 1647]. Si l’Église nous dit que nous ne pouvons même pas nous renseigner sur l’ignorance des non-catholiques, et encore moins la juger, combien davantage nous faut-il nous abstenir de juger l’état d’esprit du pape régnant pour le dépouiller ensuite de son office ! »

(Salza, « Présomption », pp. 3-4)

Avec le plus grand sérieux, et sans doute de bonne foi, John Salza met sur le même plan les « Papes » postérieurs à Pie XII avec les personnes non évangélisées, donc inviciblement ignorantes de la religion catholique… Bravo !

Pour nous situer dans la bonne perspective, examinons le contexte des propos de Pie IX et lisons la phrase précédant immédiatement la citation que Salza a faite ci-dessus. Voici ce que le Pape a écrit :

« La foi nous ordonne de tenir que hors de l’Église apostolique romaine personne ne peut être sauvé ; elle est l’unique arche du salut, et quiconque n’y sera pas entré périra dans les eaux du déluge. D’un autre côté, il faut également tenir pour certain que l’ignorance de la véritable religion, si elle est invincible [notez bien ce mot !], n’est pas une faute aux yeux de Dieu. »

(Pape Pie IX, Allocution Singulari quadam, 9 décembre 1854 ; Denz. 1647 ; c’est nous qui soulignons.)

Arrêtons-nous une minute à cette énormité : en matière de connaissance et de compréhension théologiques, Salza met (ce qu’il croit être) d’authentiques vicaires catholiques romains du Christ sur le même plan que des infidèles et des hérétiques n’en pouvant mais, puisqu’ils n’ont jamais entendu parler de l’Église catholique ou de l’Évangile ! Ces choses-là ne s’inventent pas !

Non, M. Salza, toutes les ignorances ne se valent pas. Une certaine forme d’ignorance est invincible, ce qui signifie qu’elle ne peut être surmontée, et c’est la seule dont parle Pie IX. (Il songeait, par exemple, aux esquimaux non évangélisés du nord de la Sibérie, aux tribus indigènes de certaines parties du monde n’ayant pas encore reçu la visite du moindre missionnaire catholique, de certains protestants qui n’ont jamais entendu parler de l’existence d’une Église catholique, etc.) Mais toute ignorance n’est pas de ce type-là. Une autre forme d’ignorance est vincible, c’est-à-dire qu’elle peut être surmontée, parfois même au prix d’un effort relativement modéré. Point n’est besoin d’entrer dans plus de détails, mais considérons quand même ceci : « les canonistes ont défini, d’une manière très générale, quatre catégories d’opposition [en matière d’ignorance] : antécédente-(concomitante)-conséquente, involontaire-volontaire, invincible-vincible et non coupable-coupable » (Swoboda, Ignorance, p. 125). Des commentaires, Maître ?

À présent, on voudra bien nous pardonner de dire que quelqu’un comme Giovanni Battista Montini, évêque qui se fit appeler « Paul VI » de 1963 à 1978, servit trente ans à la Curie Romaine, fut Sous-secrétaire d’État sous Pie XII et devint ensuite Archevêque de Milan, ne s’inscrit pas exactement dans la même catégorie que l’esquimau sibérien quant à la connaissance du fait que l’Église catholique est la seule vraie religion et se prétend telle. En aucun cas Paul VI n’était ignorant de ce qu’on attend que sache tout enfant catholique ; le signaler revient tout bonnement à admettre l’évidence et n’a rien à voir avec une quelconque « usurpation » de l’autorité divine ou un quelconque « jugement » de l’âme de Montini. Cela relève du simple bon sens, et n’importe qui vous considérerait comme un fou si vous pensiez ou disiez quoi que ce soit d’autre. À moins que Salza ne croie que si, en 1966, vous aviez dit à un cardinal du Vatican que vous n’étiez « pas certain que le Pape connaisse plus de catéchisme élémentaire qu’un Esquimau », ce prélat vous aurait répondu : « C’est bien, mon garçon ! Je me réjouis de constater que vous ne formulez aucun jugement à ce sujet ». Eh bien non ! Il vous aurait viré à grands coups de taloche du Saint-Office (ou de ce qu’il en restait alors) !

Prenons un exemple concret : dans son ouvrage de 1977 Le Signe de Contradiction, Mgr Karol Wojtyla (le futur « Pape » Jean-Paul II) écrit impudemment : « … que l’Église a réussi, pendant le deuxième Concile du Vatican, à redéfinir sa propre nature » ( Karol Wojtyla, Le Signe de contradiction, Éd. Fayard 1979. Voir la page correspondante de l’édition anglaise sur le site http://www.novusordowatch.org/soc-17.jpg ). Ainsi l’évêque Wojtyla croyait-il que l’Église pouvait changer de nature et que cela s’était produit durant le concile Vatican II.

Or, il n’y a qu’un léger inconvénient à cela : l’Église ne peut redéfinir sa nature, car cette dernière ne saurait changer dans la mesure où elle lui a été conférée par Dieu Tout-Puissant (pour les enseignements dogmatiques sur la nature de l’Église, voir par exemple l’ouvrage du Rév. Ludwig Ott, Fundamentals of Catholic Dogma [1954], traduit en anglais par James Canon Bastible [Rockford, IL: TAN Books, 1974], pp. 270-324). Cela ne devrait pourtant pas être difficile à se rappeler lorsqu’on se vante de posséder un doctorat de théologie sacrée. Là encore, pour un hérétique moderniste, c’est une tout autre histoire. Mais une fois de plus, « nous fonçons tête baissée » (clin d’œil appuyé).

À l’attention de ceux qui, en lisant cette phrase de Wojtyla, sautent sur leur chaise en criant « Mais non, c’est une simple ambiguïté, peut-être a-t-il voulu dire ça dans un sens orthodoxe ! », nous tenons à rappeler obligeamment ceci : toute idée que l’auteur aurait voulu émettre dans un sens orthodoxe – quel que soit ce dernier – a été intégralement et irrévocablement détruite au cours des vingt-six années de son « pontificat », durant lesquelles il a bien laissé entendre que l’église en laquelle il croyait était œcuménique par nature et nullement identique à l’Église catholique du Pape Pie XII ! Vingt-six années de théologie wojtylienne en action ne laissent pas la moindre place au doute.

Elles ne laissent aucune place non plus à l’ignorance véritable. Au cas même où celle-ci pourrait être plaidée, on a vu précédemment que l’ignorance des choses relevant de l’office d’un clerc, y compris si elle était réelle, n’exempterait nullement l’intéressé d’une peine, selon l’esprit de l’Église (voir Swoboda, cité à l’article 14 ci-dessus). Par conséquent, si elle ne pouvait exempter l’intéressé même d’une peine non automatique (et il ne peut évidemment être infligé de peine qu’en cas de véritable culpabilité de l’accusé), encore moins pourrait-elle lui éviter la perte automatique de son office, qui n’est pas une peine.

En règle générale, la prochaine fois que vous entendrez un avocat défendre un clerc moderniste du Vatican conciliaire en prétendant que celui-ci est peut-être « ignorant » de tel ou tel enseignement catholique fondamental, songez que l’individu en question n’est sans doute pas ignorant dudit enseignement, mais qu’il l’ignore tout bonnement.

Ce qui n’est pas du tout la même chose.

            16. Quelques considérations philosophiques

Avant d’en finir avec notre réfutation, arrêtons-nous à quelques considérations philosophiques auxquelles on ne prête jamais beaucoup d’attention dans la controverse sur le sédévacantisme et l’Église conciliaire, alors qu’elles présentent une grande importance. Il nous faut distinguer entre la cause et l’effet et garder à l’esprit que l’effet peut être connu sans que la cause le soit. Exprimé dans la langue de tous les jours : savoir que quelque chose existe, ce n’est pas pareil que savoir pourquoi elle existe.

Appliqué à notre discussion, ce principe a la signification suivante. L’effet, c’est que Joseph Ratzinger n’est pas le Pape ; la cause, c’est la raison pour laquelle il n’est pas le Pape, à savoir qu’il n’est pas un catholique romain (mais qu’il est un apostat ou, du moins, un hérétique). Est-il cependant nécessaire de savoir pourquoi Joseph Ratzinger n’est pas le Pape pour savoir qu’il ne l’est pas ? Est-il nécessaire de savoir pourquoi il pleut pour savoir qu’il pleut ? Pas du tout.

Selon la droite raison – dont la traditionnelle philosophie scolastique catholique donne maints exemples –, la véracité d’une chose peut se démontrer de deux manières : directement et indirectement. 

Dans une démonstration directe, on montre qu’une vérité découle directement de deux prémisses (car elle est implicitement contenue en elles). Par exemple, la vérité « Socrate est mortel » est une conclusion découlant directement et nécessairement des prémisses « Tous les hommes sont mortels » et « Socrate est un homme ». Les prémisses contiennent déjà virtuellement la conclusion, et tout ce dont on a besoin, c’est d’expliciter cette dernière.

Dans une démonstration indirecte, appelée reductio ad absurdum, une vérité se prouve par l’admission de son contraire, puis par la démonstration que ce contraire aboutit à une absurdité. Par exemple, le principe d’identité, qui est l’un des premiers principes de philosophie, donc de toute réalité, dispose (en gros) qu’une chose est ce qu’elle est, que cette chose est identique à elle-même, donc à rien d’autre. Ce principe est si fondamental, si élémentaire qu’il ne peut se démontrer directement parce qu’il sous-tend la totalité du réel. Il peut toutefois se démontrer indirectement par l’admission de son contraire, puis la démonstration que ce contraire aboutit à une absurdité : s’il n’est pas vrai qu’une chose est ce qu’elle est, alors cette chose est ce qu’elle n’est pas. Prenons le cas d’un mouton : si un mouton n’est pas un mouton, alors il est tout ce qui n’est pas un mouton. Par conséquent, un mouton est une mouche, une radio, une semaine, de l’encre, une frontière, une lettre, un oncle, etc. Mais c’est là une stupidité, quelque chose de manifestement faux, c’est absurde. Ainsi avons-nous démontré que le contraire du principe d’identité est absurde ; mais si le contraire du principe d’identité est absurde, alors le principe d’identité lui-même est vrai.

On vient d’exposer là une logique traditionnelle fondamentale. Mais quel rapport présente-t-elle avec John Salza et le sédévacantisme ?

C’est très simple. Tout au long de ses deux articles contre le sédévacantisme, Salza semble dire qu’on ne peut ajouter foi à cette théorie que si l’on est en mesure d’en démontrer directement le bien-fondé, c’est-à-dire de prouver que la cause (Joseph Ratzinger n’est pas un catholique romain) entraîne forcément l’effet (il n’est pas le Pape). Mais les dés sont pipés, car il ne s’agit là que d’un moyen d’argumenter en faveur du sédévacantisme. L’autre moyen – et celui que l’auteur de ces lignes préfère de beaucoup – consiste à démontrer indirectement le bien-fondé du sédévacantisme.

Nous venons de voir que pour prouver indirectement quelque chose, il faut admettre le contraire, puis montrer que ce contraire aboutit à une absurdité. Faisons-le donc, mais pour plus de simplicité, usons de l’argument supérieur en faveur du sédévacantisme en affirmant que non seulement Benoît XVI n’est pas le Pape, mais que l’église Conciliaire n’est pas l’Église catholique. :

Vérité à démontrer : L’Église conciliaire n’est pas l’Église catholique.

Admission du contraire : L’Église conciliaire est l’Église catholique.

Argument : Si l’Église conciliaire est l’Église catholique, alors, selon la théologie catholique, elle est incapable de faire le mal (par exemple, promulguer de mauvaises lois disciplinaires pour l’ensemble de l’Église, enseigner une fausse doctrine, conduire les fidèles à l’impiété). Or, l’Église conciliaire a fait ce mal (elle a promulgué le Code de droit canonique de 1983, la Directive de 1993 sur l’œcuménisme, la nouvelle messe et les nouveaux sacrements, le nouveau catéchisme, etc.). Il y a là une contradiction, donc une absurdité.

Conclusion : Comme le contraire que nous avons admis aboutit à une absurdité, ce que nous voulons démontrer est donc une vérité. Par conséquent, la proposition « L’Église conciliaire n’est pas l’Église catholique » est vraie.

On observera que l’argumentation ci-dessus aboutit avec certitude à la conclusion que l’église Conciliaire n’est pas l’Église catholique. La question de savoir pourquoi n’a pas été traitée, mais comme on le voit fort bien ici, ce pourquoi n’a pas besoin d’être connu pour que le fait le soit.

En dernier ressort, et pour les besoins de notre raisonnement, le pourquoi de toutes ces choses n’est pas si important à connaître que le fait qu’elles existent. Par conséquent, les personnes qui trouvent que ces diverses considérations théologiques sur l’hérésie, la pertinacité, le droit canonique et autres leur passent au-dessus de la tête, trouveront consolant de se rappeler qu’elles n’ont pas besoin de démêler tout cela. En effet, pour être en mesure de savoir que l’abbé Ratzinger n’est pas le vrai Pape, il suffit de savoir que l’église Conciliaire a commis des actes contre la perpétration desquels l’Église catholique est divinement prémunie. Elle ne peut donc être l’Église catholique. De même, les « Papes » conciliaires ont commis des actes que ne peuvent commettre de vrais Papes (comme la promulgation de la Directive de 1993 sur l’œcuménisme). Aussi ne peuvent-ils être de vrais Papes catholiques.

C’est aussi simple que cela. John Salza devrait donc garder à l’esprit que même s’il était impossible de prouver que Benoît XVI, Jean-Paul II et compagnie ont été des hérétiques publics, cela n’atteindrait en rien le sédévacantisme. Cela signifierait simplement que s’ils ne sont pas Papes, c’est pour une autre cause que leur apostasie publique de la Foi (il existe d’autres choses qui peuvent empêcher quelqu’un se prétendant Pape de l’être validement, comme par exemple le fait qu’il y a déjà un Pape régnant lors de l’élection du prétendant).

Quel traditionaliste ou se disant tel pourrait sérieusement nier que l’église Conciliaire a été la cause directe des maux spirituels indicibles infligés au monde ? Et comment ces effets  nocifs pourraient-il avoir eu pour cause l’Épouse immaculée du Christ ?

Cher lecteur non sédévacantiste, le Pape est-il catholique ? (Si l’on pose traditionnellement cette question rhétorique en manière de plaisanterie, c’est parce que tout le monde sait qu’il ne saurait y avoir de Pape non catholique !)

            17. Dernières réflexions : une nouvelle… pour les anti-sédévacantistes

Il faut reconnaître un don à John Salza : il sait rendre impressionnante une cause pourrie. C’est excellent pour son client, ce l’est moins pour ceux qui cherchent objectivement la vérité. Son article « Le Sédévacantisme et le Péché de Présomption » n’est autre qu’une ridicule tentative de combattre la seule thèse qui ait un sens dans tout ce désastre, à savoir que les « autorités » de Rome ne sont pas ce qu’elles prétendent être et que l’institution qui règne là-bas est une fausse église moderniste se faisant passer pour l’Église catholique romaine tout en minant la vraie Foi de l’intérieur. Le Pape saint Pie X nous avait pourtant bien avertis :

« Ces hommes-là peuvent s’étonner que Nous les rangions parmi les ennemis de l’Église. Nul ne s’en étonnera avec quelque fondement qui, mettant leurs intentions à part, dont le jugement est réservé à Dieu, voudra bien examiner leurs doctrines, et, conséquemment à celles-ci, leur manière de parler et d’agir. Ennemis de l’Église, certes ils le sont, et à dire qu’elle n’en a pas de pires on ne s’écarte pas du vrai. Ce n’est pas du dehors, en effet, on l’a déjà noté, c’est du dedans qu’ils trament sa ruine; le danger est aujourd’hui presque aux entrailles mêmes et aux veines de l’Église; leurs coups sont d’autant plus sûrs qu’ils savent mieux où la frapper. Ajoutez que ce n’est point aux rameaux ou aux rejetons qu’ils ont mis la cognée, mais à la racine même, c’est-à-dire à la foi et à ses fibres les plus profondes. Puis, cette racine d’immortelle vie une fois tranchée, ils se donnent la tâche de faire circuler le virus par tout l’arbre : nulle partie de la foi catholique qui reste à l’abri de leur main, nulle qu’ils ne fassent tout pour corrompre. Et tandis qu’ils poursuivent par mille chemins leur dessein néfaste, rien de si insidieux, de si perfide que leur tactique : amalgamant en eux le rationaliste et le catholique, ils le font avec un tel raffinement d’habileté qu’ils abusent facilement les esprits mal avertis. » 

(Pape Pie X, Encyclique Pascendi, par. 3 ; http://www.vatican.va/holy_father/pius_x/encyclicals/documents/hf_p-x_enc_19070908_pascendi-dominici-gregis_fr.html)

Ne dirait-on pas le portrait craché de l’église Conciliaire ?

La présente réfutation se révèle malheureusement plus longue que son auteur ne l’avait prévu (surtout si l’on en met les deux parties bout à bout). Mais les erreurs de John Salza sont si nombreuses, si graves et d’une niaiserie telle qu’une dizaine de ses pages sur le sédévacantisme appelaient nécessairement une réfutation six fois plus volumineuse. Contrairement à la démarche adoptée par Salza dans ses accusations, on a tout mis en œuvre ici  non seulement pour formuler des affirmations, mais aussi pour les étayer avec de vraies preuves fondées sur une recherche, en démontrant que la position sédévacantiste est juste et que les arguments de Salza sont faux.

Certes, le sédévacantisme est une position « difficile » à accepter ; difficile  au sens subjectif du terme, dirons-nous. Il n’est pas amusant du tout, et il complique beaucoup l’existence, y créant même pas mal d’inconvénients. En outre, il soulève bien des questions auxquelles ne peuvent être données que des réponses incertaines ou des demi-réponses. Mieux vaut pourtant de telles questions que des contradictions. C’est d’ailleurs là ce qui distingue la thèse sédévacantiste de la position « on-reconnaît-mais-on-résiste » qui est typique de la FSSPX : celle-là ne va pas sans difficultés, mais celle-ci présente des contradictions. La première peut tout simplement recourir aux livres anciens de théologie et de droit canonique et les présenter comme disant la vérité, ainsi qu’on l’a fait dans le présent essai ; la seconde doit trouver des idées nouvelles pour se justifier et supprimer ou modifier les enseignements antérieurs, par exemple en ce qui concerne l’autorité contraignante du Magistère ordinaire de l’Église ou l’infaillibilité de l’Église dans ses lois disciplinaires universelles.

Chaque fois que quelqu’un est obligé d’avancer une idée nouvelle pour justifier une position ou distordre et massacrer les lois ou enseignements de l’Église, c’est le signe quasi infaillible qu’on est en train non pas de vous prêcher une saine doctrine, mais – disons-le brutalement – de vous vendre des salades. Le meilleur moyen de vérifier que ce ne sont pas des balivernes est de mettre votre interlocuteur au défi de produire des citations de théologiens catholiques fiables (d’avant 1958, bien sûr), de canonistes et d’autorités analogues, plutôt que des citations de sources primaires : encycliques papales, documents conciliaires, droit canonique ou Écriture Sainte.

Cela tient à ce qu’il est trop facile à certains d’utiliser des citations de sources primaires afin d’échafauder leurs idées personnelles, y compris sans y réfléchir (comme le font les Feeneyites[7] et comme John Salza vient de le faire). Ce qui importe surtout, c’est de savoir si les théologiens approuvés par l’Église – c’est-à-dire les clercs qu’elle a elle-même chargés d’exposer, d’expliquer et de défendre la doctrine sacrée,  et grâce au travail desquels sont élaborés de nombreux documents magistériels – comprennent les enseignements et les lois de l’Église de la même manière que les personnages en question. Sinon, vous pouvez jeter les thèses de ceux-ci à la corbeille, car ce sont des « nouveautés », très probablement fausses et en tout cas dénuées de fiabilité. (L’Église a toujours considéré les « nouveautés » avec beaucoup de suspicion, c’est le moins qu’on puisse dire.)

On trouve un exemple de ce genre de comportement dans ce qu’un célèbre auteur de la mouvance « on-reconnaît-mais-on-résiste » a dit récemment, à savoir qu’à son avis, un Pape cesse d’être validement Pape quand un nombre suffisant de fidèles lui refusent obéissance (oui, vous ne rêvez pas : c’est bien ce qu’il a laissé entendre). Naturellement, il n’a cité aucun théologien ou canoniste à l’appui de cette thèse inepte ; il ne faisait qu’exprimer son propre jugement, son propre raisonnement, bricolé à partir de diverses « références » qu’il pensait avoir dénichées dans l’histoire, l’Écriture sainte et les enseignements de l’Église. Mais si l’histoire, l’Écriture sainte et l’Église enseignaient une telle chose, n’est-il pas absolument certain qu’au moins un théologien se serait penché sur elle ?

En résumé : chaque fois que quelqu’un invoque une source primaire afin de soutenir la position qu’il entend faire valoir, à moins qu’il ne puisse citer à l’appui de cette dernière des théologiens, des canonistes et autres autorités approuvées par l’Église, il n’est que son propre théologien, il concocte tout seul sa propre théologie ; or cela ne saurait évidemment être ni approuvé, ni autorisé, et nul ne peut le faire sans grave danger pour lui-même comme pour autrui.

Non contents de faire long feu, les tirs de barrage de John Salza visant à discréditer le sédévacantisme se sont spectaculairement retournés contre les positions défendues par leur auteur. Non seulement ce dernier n’a pas réussi à discréditer le sédévacantisme, mais il lui a donné davantage de crédit encore en usant d’arguments qui – une fois analysés, mis en perspective et récusés – n’ont fait que confirmer l’idée que Ratzinger ne peut en aucun cas être le Pape.

Ce qui est sidérant dans la démarche de Salza (par exemple, dans ses propos pontifiants sur ce que le canon 188 n. 4 veut dire et implique ou non), c’est qu’il ne lui est apparemment jamais venu à l’idée de se rendre dans une bibliothèque pour s’y renseigner sur pièces. Pourquoi spéculer quant à ce que veut dire l’Église ? Pourquoi interpréter tout seul le droit canonique ? Pourquoi ne pas faire l’effort de s’informer vraiment en la matière ? Ce n’est pas comme si rien n’avait été écrit là-dessus. Ce n’est pas comme si l’Église nous avait laissés dans le doute depuis 1917 sur ce que ce canon signifie ou sur le moment et la manière dont il s’applique. Pourquoi n’avoir fait aucune recherche ? Pourquoi, du moins, n’avoir pas étudié des livres numérisées sur Google Books afin de voir ce que des canonistes ont écrit à ce sujet ? C’est sidérant, tout bonnement sidérant…

En vérité, on serait fondé à dire qu’avec les deux essais de John Salza sur le sédévacantisme, les adeptes anti-sédévacantistes de la position « on-reconnaît-mais-on-résiste » sont encore tombés d’un étage. Il n’est nullement répréhensible d’engager un vrai débat sur les terrains philosophique, théologique, moral et canonique, pourvu que ce soit avec la volonté sincère de parvenir à la vérité. Mais ce qui est à fuir, ce sont ces articles fantaisistes, pseudo-érudits et pseudo-théologiques, qui ne représentent souvent rien d’autre que des professions de foi écrites dans un esprit de recherche sélectif par des individus ne sachant pas de quoi ils parlent (l’Église a-t-elle vraiment besoin d’avocats et de journalistes qui « font de la théologie » ?) C’est la deuxième fois que parmi les adeptes du « on-reconnaît-mais-on-résiste », il se trouve un avocat américain qui voit ses pétards lui exploser à la figure en essayant de faire sauter le sédévacantisme.

Il peut arriver d’écrire un article péchant par insuffisance de recherches en amont, donc entaché de graves erreurs involontaires. Mais avec « Le Sédévacantisme et le Péché de Présomption », John Salza a vraiment franchi toutes les limites de ce qu’on peut tolérer dans le genre. Son essai est si lamentable qu’il s’y trouve, dans chaque phrase ou presque, une faille, une exagération, une contre-vérité, une assertion gratuite, un malentendu. Ce qui est peut-être le plus stupéfiant dans cette affaire, c’est que la revue Catholic Family News se soit abaissée à publier un tel article. Beaucoup des erreurs commises par Salza sont élémentaires et crèvent littéralement les yeux, comme son idée que présumer de la pertinacité dans l’hérésie « papale » relève du « péché de présomption », ou encore sa réflexion désinvolte sur les péchés contre la Foi, qui seraient selon lui les pires de tous les péchés. C’est pourquoi il est ahurissant que personne, chez Catholic Family News, ne s’en soit rendu compte avant de mettre l’article sous presse. Peut-être la rédaction tout entière est-elle aveuglée, elle aussi, par son zèle anti-sédévacantiste…

Il ne faut jamais perdre de vue que cela, c’est tout sauf une plaisanterie. C’est au contraire d’une extrême gravité, et beaucoup d’âmes sont en jeu. Nous parlons ici du point de savoir s’il faut considérer l’institution romaine comme l’Épouse immaculée du Christ ou la Prostituée de Babylone, comme le Corps Mystique du Christ ou le « singe » de Dieu, comme des gens qui garantissent la pureté de la saine doctrine ou qui disséminent avec ruse n’importe quelle erreur pernicieuse conçue ici-bas.

Franchement, ce n’est pas si difficile. En fait, poser la question « Est-ce là l’Épouse immaculée du Christ ou la Prostituée de Satan ? », c’est déjà y répondre. Car nul ne pourrait hésiter à y répondre sans gravement insulter Notre Seigneur et Son Église. Même le seul fait d’avoir à poser la question montre bien qu’on ne parle pas de l’Église catholique, car à propos de celle-ci, il ne saurait y avoir de doute. Lorsque l’Épouse du Christ est devant vous, nul ne peut douter de son identité. En douter serait une insulte, un blasphème contre Notre Seigneur et Rédempteur, et si l’on décèle une tache, une souillure, une ride sur le visage qu’on a en face de soi, alors on n’est pas en train de regarder Son Épouse. Si l’on est amené à la « soupçonner » d’impiété, d’infidélité doctrinale, d’égarement des âmes, alors ce n’est pas Son Église. Si l’on doit lui « résister » pour conserver la Foi ou la morale ou ne pas commettre un sacrilège liturgique, alors on sait que l’on ne peut avoir affaire à l’Église fondée par Notre Seigneur.

Nous avons tous des amis qui disent « on-reconnaît-mais-on-résiste », et nous savons qu’eux aussi froncent le nez devant l’abominable puanteur de modernisme qui émane de Rome et imprègne tout le monde « catholique ». Cela suffit à montrer que nous avons affaire non pas à l’Église catholique, mais à une imitation de celle-ci, et à une exécrable imitation. Notre Seigneur voudrait que nous ne résistions jamais à Son Église, mais que nous l’embrassions. Les fidèles catholiques n’ont pas à se « garder » contre l’Église, sauf à s’égarer, mais savent au contraire qu’elle leur donne à tous, avec fidélité et charité, tout ce dont ils ont besoin pour leur salut éternel. 

Notre Seigneur ne nous a-t-il pas garanti que le Siège de Rome serait toujours notre unique guide d’orthodoxie ? N’a-t-il pas promis à saint Pierre : « j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point ; et toi, quand tu sera converti, affermis tes frères » (Luc, 22:32) ? Notre Seigneur Lui-même a donc garanti que la foi de Pierre ne défaillirait pas, ce qui signifie que le Siège de Pierre ne sera jamais entaché d’erreur :      

« C’est pourquoi les évêques du monde entier, tantôt individuellement, tantôt réunis en synodes, en suivant la longue coutume des églises et les formes de la règle antique, ont communiqué au Siège apostolique les dangers particuliers qui surgissaient en matière de foi, pour que les dommages causés à la foi fussent réparés là où elle ne saurait subir de défaillance.

[…]

« Car le Saint-Esprit n’a pas été promis aux successeurs de Pierre pour qu’ils fassent connaître, sous sa révélation, une nouvelle doctrine, mais pour qu’avec son assistance ils gardent saintement et exposent fidèlement la révélation transmise par les Apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi.

« Leur doctrine apostolique a été reçue par tous les Pères vénérés, révérée et suivie par les saints docteurs orthodoxes. Ils savaient parfaitement que ce siège de Pierre demeurait pur de toute erreur, aux termes de la promesse divine de notre Seigneur et Sauveur au chef de ses disciples : “J’ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas ; et quand tu seras revenu, affermis tes frères”. »

(Concile du Vatican, Constitution dogmatique Pastor Aeternus, Ch. 4, par. 4, 6 ; c’est nous qui soulignons.)

Il serait plutôt difficile d’appliquer cela à l’Église conciliaire, n’est-ce pas ?

Si l’on s’appuyait sur l’argumentation de John Salza, il faudrait réinterpréter la promesse de Notre Seigneur « ta foi ne faillira pas » de manière à lui faire dire : « Ta foi faillira, mais nul ne pourra savoir avec certitude que telle était ton intention, car nul ne peut lire dans ton esprit ». De même, l’assurance donnée par Notre Seigneur à saint Pierre selon laquelle « les portes de l’enfer ne prévaudront point » contre l’Église (voir Matthieu 16 :18) pourrait être caricaturée dans les termes suivants : « Les portes de l’enfer ne prévaudront point, car nul ne pourra considérer que tu as vraiment voulu dire ce que tu as dit ». Bien entendu, cela tourne en dérision la glorieuse protection que Notre Seigneur a conférée à Son Église en la dotant de l’indéfectibilité. En fait, si – en dépit de tout – l’église Conciliaire pouvait encore être l’Église catholique, à quoi servirait l’indéfectibilité ? Quelle portée aurait-elle ? N’est-elle pas censée être une protection, plutôt qu’un insignifiant produit de sophistique rhétorique ?

Lorsque l’Église catholique enseigne que le Saint-Siège ne peut jamais faillir, ne peut jamais être entaché de la moindre erreur, il va de soi qu’elle veut dire exactement cela, et non pas qu’au cas où le Saint-Siège faillirait, il se trouverait un babysitter doctrinal auto-proclamé (comme la Fraternité Saint-Pie X, Christopher Ferrara[8] ou John Salza) pour accomplir le gros travail de filtrage et de résistance nécessaire. Un tel scénario ne pourrait être qualifié que de grotesque échafaudage.

L’Église catholique n’a pas besoin de chien de garde doctrinal. Le chien de garde doctrinal, c’est elle. La doctrine du Saint-Siège n’est sujette à la supervision de personne, même pas la Fraternité Saint-Pie X. Quand donc, dans toute l’histoire de l’Église, est-il arrivé au  Saint-Siège d’émettre quelque doctrine erronée que ce soit ? Jamais, bien entendu ! C’est toute la question ! Les gens de la Fraternité Saint-Pie X devraient savoir que lorsqu’on se sent obligé de « négocier » avec Rome pour essayer de la « convertir » à la vraie Foi (qu’ils appellent sournoisement « Tradition » : c’est tellement plus mielleux), on ne traite plus avec le Saint-Siège. Car le Saint-Siège, perpétuellement à l’abri de toute erreur, n’aura jamais besoin de se convertir, mais en revanche, exige à juste titre que l’on se convertisse à lui.

Il n’est pas difficile de voir, dans ces conditions, pourquoi un hérétique ne peut jamais accéder à la papauté ni la conserver validement. Or, selon le raisonnement de M. Salza, il semblerait que même l’apostat notoire Hans Küng pourrait devenir Pape, pourvu qu’il soit élu. Cet individu n’a jamais été excommunié par l’Église conciliaire, et Benoît XVI l’a même reçu en 2005 pour bavarder avec lui toute une journée ; donc, à en croire Salza, Hans Küng est forcément un catholique romain. Et d’ailleurs, qui sait ? Peut-être que pendant toute sa vie, l’intéressé a été victime de la pression de ses pairs, d’un zèle intempestif ou d’une désorientation diabolique : pauvre Hans !… Rappelons-nous, en outre, que pour Salza, même un apostat peut être validement élu Pape (voir à cet égard la première partie de la présente réfutation) ; les arrières de Küng sont donc couverts.

Le tragique, c’est qu’il y a longtemps que ce genre de niaiserie pseudo-théologique assure le fonctionnement de la contre-Église conciliaire.

On me permettra de conclure la présente réfutation en citant Don Felix Sarda y Salvany, ce clerc brillant que le Pape Léon XIII a loué pour sa farouche opposition au modernisme et au libéralisme :

« Il n’y a donc aucune faute contre la charité à nommer le mal, mal, méchants les auteurs, fauteurs et disciples du mal, iniquité, scélératesse, perversité, l’ensemble de leurs actes, paroles et écrits. Le loup a toujours été appelé loup tout court, et jamais en l’appelant ainsi on n’a cru faire tort au troupeau et à son maître.

Si la propagande du bien et la nécessité d’attaquer le mal exigent l’emploi de termes un peu durs contre les erreurs et ses coryphées reconnus, cet emploi n’a rien de contraire à la charité. C'est là un corollaire ou une conséquence du principe ci-dessus démontré. Il faut rendre le mal détestable et odieux. Or, on n’obtient pas ce résultat sans montrer les dangers du mal, sans dire combien il est pervers, haïssable et méprisable. L'art oratoire chrétien de tous les siècles autorise l’emploi des figures de rhétorique les plus violentes contre l’impiété. Dans les écrits des grands athlètes du christianisme, l’usage de l’ironie, de l’imprécation, de l’exécration, des épithètes écrasantes est continuel. Ici l’unique loi doit être l’opportunité et la vérité.

Il existe encore une autre justification de cet usage. La propagande et l’apologétique populaires (elles sont toujours populaires quand elles sont religieuses) ne peuvent garder les formes élégantes et tempérées de l’académie et de l’école. Pour convaincre le peuple il faut parler à son cœur et à son imagination qui ne peuvent être touchés que par un langage coloré, brûlant, passionné. Être passionné n’est pas répréhensible quand on l’est par la sainte ardeur de la vérité. »

(Don Felix Sarda y Salvany, Le Libéralisme est un  Péché (1899) ; c’est nous qui soulignons.

http://www.christ-roi.net/index.php/Le_lib%C3%A9ralisme_est_un_p%C3%A9ch%C3%A9_-_Don_F%C3%A9lix_Sarda_y_Salvany_-_01#Le_lib.C3.A9ralisme_est-il_un_p.C3.A9ch.C3.A9.2C_et_quel_p.C3.A9ch.C3.A9_.3F)

Cet ouvrage est un chef-d’œuvre absolu que tout catholique devrait lire. Don Sarda y démonte le libéralisme et le modernisme, leur arrache leur masque, expose leurs tactiques et détruit leurs excuses. À la fin du livre, il ne reste strictement rien de la religion conciliaire, que l’auteur a complètement enterrée une soixantaine d’années avant même qu’elle n’apparaisse.

Cher lecteur catholique traditionaliste, suivez les brillants penseurs approuvés par l’Église que sont Don Felix Sarda y Salvany, Mgr Joseph Clifford Fenton, le Père Réginald Garrigou-Lagrange, saint Robert Bellarmin et saint Thomas d’Aquin, et non pas des rhétoriciens, des journalistes ou des avocats de la mouvance « on-reconnaît-mais-on-résiste », dont les « recherches » ne tendent qu’à soutenir la prétention de l’abbé Ratzinger à être le Pape, prétention qui – soutenue de la sorte – sert à conférer une fausse légitimité à l’église apostate de Rome et maintient ainsi la véritable Église dans les fers et l’humiliation.

Cependant, ne laissons pas la vérité sur l’état sede vacante de notre Sainte Mère l’Église être une cause de consternation pour nous, et voyons-y bien plutôt une cause d’espoir. La passion et l’éclipse de l’Église prendront fin, comme a pris fin la Passion de Notre Seigneur, ce dont nous avons l’infaillible certitude : « Ô hommes sans intelligence, et dont le cœur est lent à croire tout ce qu’ont dit les prophètes ! Ne fallait-il pas que le Christ souffrît toutes ces choses, pour entrer dans sa gloire ? » (Luc, 24 : 25-26). Si Notre Seigneur, qui est la Tête invisible de l’Église, a dû tant souffrir et subir Sa Passion, pourquoi ne serait-ce pas le cas aussi de son Corps Mystique tout entier, l’Église, avec sa Tête visible, le Pape, Vicaire du Christ ?

Plus tôt un maximum de personnes reconnaîtront que la fausse Église romaine de Vatican II n’est pas et ne peut être l’Église catholique romaine de Notre Seigneur Jésus-Christ, plus tôt – assurément – Notre Seigneur daignera mettre fin à l’éclipse de Son Église et la restaurer dans toute sa gloire.

Gregorius

I-VI-MMXII

 

 

Appendix: Canon 188 in the Latin Original

Gregorius
6 janvier

 


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Remonter au début de la Partie 2

 


 



[1] NdT : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bible_de_Douai

[2] NdT : http://saints-et-bienheureux.blogspot.fr/2011/02/george-haydock.html

[3] NdT : Citant saint Alphonse, Salza invoque ici le principe juridique « melior est conditio possidentis ».

[4] NdT : pas de crise dans l’Église ?

[5] NdT (d’après Wikipédia) : Jeu de mots intraduisible reposant sur la similitude de deux termes anglais : pulp (voir ci-dessous) et pulpit, qui signifie chaire. Il s’agit d’une allusion au titre d’un film de gangsters américain très violent (dont le titre n’a du reste pas été traduit en français). Ce titre est lui-même inspiré des pulp magazines, revues très populaires durant la première moitié du vingtième siècle aux États-Unis et connues pour leur violence graphique et leurs dialogues incisifs. Le mot anglais pulp signifie notamment pâte à papier, car ces revues bon marché étaient imprimées sur du papier de qualité inférieure.

[6] NdT : S’appuyant sur McDevitt (« Renunciation »), l’auteur parle ici de la synonymie – en anglais – des termes resignation et renunciation, qu’emploie indifféremment la version anglaise du Code de 1917 (introuvable en ligne sur l’Internet) ; cette synonymie n’existe pas tout à fait en français entre les mots renonciation et démission (l’exact équivalent anglais de ce dernier étant resignation). C’est pourquoi la version française du Code n’emploie que le terme renonciation.

[7] NdT (traduit de Wikipedia) : Le Père Leonard Feeney (1897-1978) était un jésuite américain qui défendait l’interprétation stricte de la doctrine catholique Extra Ecclesiam nulla Salus (hors de l’Église, point de salut), en soutenant que le baptême de sang et le baptême de désir n’étaient d’aucune utilité et qu’aucun non-catholique ne pouvait donc être sauvé. Il a lutté contre la libéralisation du catholicisme. Le néologisme anglais Feeneyism désigne – avec une nuance péjorative plus ou moins prononcée – la doctrine des partisans du Père Feeney.

[8] NdT (traduit de Wikipedia) : Avocat catholique américain, militant pro-vie et journaliste. Il est le fondateur et l’actuel président du Conseil supérieur de l’Association des avocats catholiques américains. Il tient également une rubrique régulière dans la revue catholique traditionaliste The Remnant.